Israël – Palestine : eau secours

damnation

Synopsis/contenu du film

Parce qu’elle est rare dans la région, la question de la ressource en eau est au cœur des enjeux entre Israël et Palestine. Le film explore cette relation au travers de six thématiques successives : l’histoire, l’agriculture, la religion, la paix, la technologie, les loisirs. 

Le film raconte que la question de l’eau sur le territoire est une lutte millénaire, toujours présente aujourd'hui. Depuis que les romains ont amené l’eau à Jérusalem en 37 av. JC, les conquérants successifs de ces territoires se sont appropriés la ressource en eau au détriment des habitants de la Palestine. Le village d’Artas, où se trouvent les vieux bassins de Salomon, sert de support au récit historique. Dans les années 1920, alors que la Palestine est passée sous mandat Anglais, ces derniers coupent encore une fois l’eau d’Artas pour alimenter 35,000 colons. Les habitants du village vont alors demander justice auprès du royaume d’Angleterre, et seront entendus. L’eau est déjà un instrument de pouvoir et un moyen de pression sur les habitants.

La Palestine est divisée en trois secteurs, A, B et C. la zone A est une zone où la gestion administrative et la sécurité sont gérées par l’autorité palestinienne. La zone B est une zone où la gestion administrative est assurée par l’autorité palestinienne, et la sécurité par Israël. La zone C est une zone où la gestion administrative et la sécurité sont gérées par Israël. Ces trois zones sont non uniformément réparties et les zones sous contrôle palestiniens constituent plutôt des petits îlots. La zone C est la partie la plus importante, à proximité du Jourdain, là où se concentrent les ressources naturelles et les zones agricoles.

À Artas, les petits agriculteurs palestiniens ont aussi du mal à s’en sortir face à la pression israélienne: l’arrivée de l’eau dépend du bon vouloir des Israéliens et des camions citernes distribuent de l’eau. Le kibboutz de Dan, au nord du pays, offre une belle illustration du contraste entre l’agriculture ultramoderne développée par les Israéliens (y compris de l’aquaculture), et l’agriculture sans moyens ni accès équitable aux ressources naturelles des Palestiniens. Les accords d’Oslo sur la répartition de la ressource en eau n'étant pas respectés, les palestiniens n’obtiennent que 15% de l’eau de Cisjordanie. Le film aborde également rapidement la question du fleuve Jourdain, lieu de tourisme religieux, et de la Mer Morte qui baisse d’un mètre par an à cause d’usages en amont qui consomment 95% de la ressource disponible.

Se trouvant contraint par les ressources en eau de la région, Israël développe des usines de désalinisation, ce qui semble créer une occasion de détendre les tensions extrêmes autour de la ressource. Une partie des eaux est vendue aux palestiniens, lesquels ont eu l’autorisation de construire une usine de retraitement des eaux usées à Jéricho. Le film aborde alors la question des incendies, contre lesquels les palestiniens manquent de moyens et surtout d’accès à l’eau pour pouvoir agir. Pompiers palestiniens et pompiers Israéliens arrivent parfois à être solidaires face à ce risque : selon le narrateur, ils montrent qu’une collaboration est possible.

Analyse critique

Ce film documentaire a été réalisé par le photo reporter anglais Martin Middlebrook. Sortie en 2022, il évoque la question de l’eau sur le territoire israélo-palestinien, qui, d’après Jacques Fontaine (2017), est « au cœur des préoccupations du mouvement sioniste dès sa création ». Dans une région méditerranéenne et aride, cette ressource reste centrale dans la stratégie politique de l’état d’Israël, et son partage avec les palestiniens continue à faire débat : par exemple en France, en 2011, un rapport du député Jean Glavany énonce que la question de l’eau est « révélatrice d'un nouvel apartheid au Moyen Orient ».

Le film de Martin Middlebrook est réalisé à la manière d’un web documentaire. Il mêle dans son montage des entretiens filmés, des portraits-photos, des croquis, et des « dessins animés ».  Ces derniers sont utilisés pour les explications contextuelles : pour illustrer des situations historiques, montrer des cartographies, ou encore pour marquer le passage d’un chapitre à un autre, permettant de séquencer le film lui-même. Les images sont belles, les photos et les croquis renforcent l’idée que le récit du film est issu directement « du terrain ». Alertant une nouvelle fois sur la situation des palestiniens (et des bédouins) du territoire, le film illustre son propos par des images fortes et contrastées. Cependant, changeant régulièrement de lieu, de sujet et de mode de représentation, la perception d’une image globale de la situation n’est pas rendue évidente.

Des explications contextuelles s’intercalent entre des entretiens avec des professionnels : des agriculteurs palestiniens, des bédouins, un agriculteur israélien, un pompier palestinien, des religieux, une représentante de l’association Ecopeace,….etc. Dans ce film, les Israéliens sont moins présents physiquement que les palestiniens. Les images qui représentent Israël sont plus distantes : ce sont des images d’abondance, verdoyantes, d’agriculture intensive, impeccablement 'moderne'. Ceci renforce d’autant plus le contraste avec la réalité palestinienne.

Le film parle d’un accord sur le partage des eaux entre Israéliens et palestiniens en 1993. En fait, ce sont les accord d’Oslo (II) de 1995 qui portent sur le partage de la ressource entre Israël et Palestine. Il ne porte que sur les aquifères et le Jourdain en est exclu, ainsi que les autres ressources déjà exploitées. Le film dénonce le fait que ces accords n’aient jamais été appliqués, que les palestiniens ne reçoivent que 15% de l’eau de la Cisjordanie, et que, par ailleurs, en zone C, ils n’aient pas le droit de creuser un puits.

Dans son film, Martin Middlebrook voit les entraides ponctuelles entre les pompiers palestiniens et israélien comme un espoir de collaboration. Cette idée est séduisante, mais illustrée par une situation qui paraît plutôt anecdotique, voire dérisoire, par rapport au contexte et la manière avec laquelle la ressource en eau est utilisée comme un instrument de pouvoir par les israéliens.

Ainsi que l’évoque Nada Majdalani dans le film (directrice palestinienne de l’association Ecopeace),  Mark Zeitoun, spécialiste des questions de gouvernance des eaux transfrontalières, estime que la baisse de la pression sur les ressources en eau grâce aux dessalement devrait "permettre aux Israéliens d'être plus ouverts aux négociations avec les Palestiniens" (article du  journal Le Monde « Israël-Palestine : le rapport français explosif sur la question de l'eau » , (Le Monde & AFP, 2012). Nada Majdalani ajoute que le gouvernement israélien s’était engagé à libérer 30 millions de m³ dans le Jourdain. En fait, Entre 2018 et décembre 2022, les israéliens ont effectivement mené à terme un projet visant à utiliser le lac Tibériade come réservoir pour les eaux traitées. Entre 50 et 100 millions de m³ d’eau dessalée y ont été stockés: le lac peut ainsi plus facilement lâcher de l’eau dans le Jourdain. D’après le journal « The Times of Israël », Mekorot (compagnie nationale des eaux d’Israël) a pour projet d’installer des pompages dans la vallée, afin de revendre l’eau aux agriculteurs (Surkes, 2022). Jordaniens, Palestiniens, ou seulement israéliens?

Face aux changements climatiques et surtout avec la nouvelle coalition d’extrême droite et l’apparent durcissement des positions israéliennes, les espoirs d’un meilleur accès à la ressource pour les palestiniens à court et moyens termes semblent plutôt minces.

(avec des contributions de Joséphine Pinatel)

 

Références biblio pour aller plus loin sur le sujet

Fontaine J. 2017. La politique israélienne de l̓'eau, des débuts du sionisme à aujourd’hui. Une volonté permanente d’accaparement des ressources. La Pensée, 389(1), p. 66‑80. DOI : 10.3917/lp.389.0066

Glavany M.J. 2011. N° 4070 - Rapport d’information de M. Jean Glavany déposé en application de l’article 145 du règlement, par la commission des affaires étrangères, en conclusion des travaux d’une mission d’information sur la géopolitique de l’eau. COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, 311 p. Available at : https://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i4070.asp (Accessed13 mars 2023).

Le Monde. 2012. Les besoins en eau, source de tensions entre pays méditerranéens. Le Monde.fr. 13/03/2012. https://www.lemonde.fr/planete/article/2012/03/13/les-besoins-en-eau-source-de-tensions-entre-pays-mediterraneens_1657184_3244.html (Accessed13 mars 2023).

Le Monde & AFP. 2012. Des députés français dénoncent « un nouvel apartheid » dans la gestion de l’eau en Israël. 17/01/2012. https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2012/01/17/israel-s-indigne-d-un-rapport-de-deputes-francais-qui-denonce-sa-gestion-de-l-eau_1630909_3218.html (Accessed13 mars 2023).

Mraffko. 2023. Israël veut sauver le lac de Tibériade grâce à l’eau dessalée de la Méditerranée. Le Monde.fr. 29/01/2023. Available at : https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/01/29/israel-veut-sauver-le-lac-de-tiberiade-grace-a-l-eau-dessalee-de-la-mediterranee_6159722_3244.html (Accessed27 mars 2023).

Surkes S. 2022. Approbation d’un plan ambitieux de nettoyage d’une partie du fleuve Jourdain. Available at : https://fr.timesofisrael.com/approbation-dun-plan-ambitieux-de-nettoyage-dune-partie-du-fleuve-jourdain/ (Accessed27 mars 2023).

Zecchini L. 2012. En Cisjordanie, même l’eau est une arme. 11/03/2012. https://www.lemonde.fr/planete/article/2012/03/11/en-cisjordanie-meme-l-eau-est-une-arme_1655720_3244.html (Accessed13 mars 2023).

 

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