Amazonie, le barrage de trop?

damnation

Synopsis/contenu du film

Le film débute avec une longue scène qui présente le chef des Munduruku de retour dans son village au sein d’une réserve protégée. On peut y voir des enfants qui jouent dans l’eau, des femmes qui font la lessive dans la rivière, une musique mélancolique est jouée au piano. Il est parti pour assister à une réunion portant sur le projet de Barrage de São Luiz do Tapajos, projet qui impacterait les terres des Munduruku et auquel ils s’opposent. Cette rivière est sacrée pour eux. Ils craignent de voir leurs terres inondées et/ou que des projets d’exploitation minière s'y développent, à la faveur de l’énergie produite par le barrage.

500 km plus loin sur le fleuve Xingu: Sur un arrière-plan occupé par le barrage de Belo Monte un ingénieur défend le projet et vante les mérites de son barrage. Selon lui le Belo Monte aurait des bénéfices environnementaux, il apporterait une énergie bas carbone. Concernant les zones inondées par la retenue d’eau, il avance que celles-ci seraient bien moins importantes que pour d’autres projets; que ces indiens impactés par le barrage ne sont pas si traditionnels que ça; et qu’au final tous ces projets c’est le progrès, et qu'on ne peut pas l’empêcher.

Mais selon la voix off, 50 000 personnes ont été relogées et pas seulement les amérindiens, l’électricité produite ne profitera pas à la population et est surtout destiné aux industries minières. Une habitante d’Alta Mira, ville impactée par le barrage témoigne que la qualité de vie le et coût de la vie se sont dégradés. Des milliers de familles d’Alta Mira ont été relogées dans des lieux insalubres et souffrent de déracinement. L’impact sur les populations environnantes est tel que le barrage est ironiquement surnommé le « Bello Monstre ».

Ensuite une procureure intervient pour dénoncer le manque de base juridique pour le projet du Belo Monte dénoncé comme « Illégal » (cela fait référence à une loi de la constitution qui oblige les maîtres d’ouvrage d’un projet à consulter les indigènes si un projet doit les impacter). L’habitante d’Alta Mira reprend la parole pour dénoncer le manque de considération des porteurs du projet des changements profonds qui l’ont affectée quand elle a perdu sa maison familiale.

On rejoint ensuite les Juruna, une autre tribu Amérindienne vivant dans un méandre en amont du Belo Monte. Depuis sa construction les poissons sont morts, l’eau stagnante s’est colorée et est devenue impropre à la consommation. Plus de diversité dans la morphologie du cours d’eau, plus de crues ni décrues, plus de radiers, de bancs de sable, il ne reste qu’une eau stagnante avec des arbres y pourrissant. Leur mode de vie a aussi été modifié, ils portent des vêtements de « blancs », se déplacent en voiture, ils sont passés d’une agriculture vivrière à une agriculture commerciale qui leur permet d'accéder à un autre mode de vie.

Le documentaire termine sur une note pessimiste avec la voix off qui dit Le gouvernement Brésilien prévoit ces dix prochaines années 43 nouveaux barrages, les enfants qu’on voit en arrière-plan en grandissant perdront leur culture traditionnelle, sous-entendant que rien ne pourrait s'opposer à ces projets et qu'aucune lutte n'est possible.

Analyse critique

Le petit peuple de chasseurs-cueilleurs de 20 familles qui s’oppose à l’état Brésilien, c’est le pitch que nous propose ce film. Dans la scène d’introduction la légèreté des images présentées - scènes domestiques, de chasse ou de jeu -, qui entendent illustrer l’innocence de ce peuple, contrastent avec le danger que fait peser sur eux le projet de barrage.

Alors que le film porte sur le barrage de Rio Tapajos et Rio Sanmaxim, les trois quarts des 34 minutes de ce documentaire parle du barrage de Belo Monte construit en 2019 sur le Rio Xingu. L'objectif du parallèle entre ces 2 barrages est de rendre plus concrètes les conséquences du barrage en projet en les illustrant par le cas du Belo Monte, barrage emblématique et très médiatisé des controverses liées aux barrages au Brésil.

Le documentaire est centré sur le problème social et sociétal que les barrages entraînent. Il montre surtout le déracinement d’un peuple et la perte d’identité culturelle. On note plusieurs références à l'« homme blanc » et aux malheurs qu’il apporterait aux Amérindiens, faisant référence à un imaginaire lié à la colonisation. Il montre également les impacts sur les populations urbaines d'Altamira.

On aurait souhaité que les autres impacts et aspects du projets soient mieux décrits. Les impacts sur la biodiversité ou sur l'environnement sont mentionnés en passant. L’affirmation selon laquelle « les arbres pourrissant dans l’eau émettent du Méthane » est illustrée par quelques arbres morts sans plus d'explications. De même le documentaire parle de corruption mais sans entrer dans les détails. L'énorme affaire de corruption explique que le projet soit allé jusqu’au bout alors qu’il était très couteux et pas rentable, avec des objectifs en matière de production surestimés. L'inévitabilité présumée des barrages Amazoniens est présentée de manière assez caricaturale par un ingénieur qui soulève des points intéressants mais choque par son arrogance et son manque de considération vis-à-vis des populations impactées.

Le projet de barrage de São Luiz do Tapajos, aux dernières nouvelles, aurait été abandonné. Ceci montre que contrairement à ce que suggère le documentaire, on peut avoir l’espoir que l'expérience du Belo Monte ne sera pas forcément répliquée.

Contribution de Lancelot Hautier

 

Références biblio

Broggio, C., Droulers, M., & Pallamar, J.-P. (2017). Les barrages hydroélectriques amazoniens, un enjeu de géopolitique interne au Brésil. Hérodote, 165(2), 185‑203. https://doi.org/10.3917/her.165.0185

Southgate, T. (2016, juillet 1). Belo Monte : After the Flood. https://vimeo.com/173122375

Le barrage Belo Monte, au Brésil, « monument au gaspillage et à la folie », met en marche sa dernière turbine. 30 Novembre  2019. Le Monde.fr. https://www.lemonde.fr/energies/article/2019/11/30/le-barrage-belo-monte-au-bresil-monument-au-gaspillage-et-a-la-folie-met-en-marche-sa-derniere-turbine_6021169_1653054.html

Belo Monte, le barrage controversé—Regarder le documentaire complet. (s. d.). ARTE. Consulté 8 novembre 2023, à l’adresse https://www.arte.tv/fr/videos/110155-000-A/belo-monte-le-barrage-controverse/

Giliarde Juruna : « Notre espoir est que le barrage de “Belo Monte” disparaisse »—YouTube. (s. d.). Consulté 8 novembre 2023, à l’adresse https://www.youtube.com/watch?v=-TP-lx0C9v4

 

 

Additional Info

  • Director: Michael Unger
  • Producer: Arte
  • Language: French, German
  • Year: 2017
  • Duration (min): 35
  • Theme: Dams, Environmental degradation, Water governance, Rivers, Water politics, Water and community, Aquatic ecosystems
  • Access: Free
  • Country: Brazil
  • Technical quality (star): Technical quality (star)
  • Academic interest (star): Academic interest (star)
  • Societal interest (star): Societal interest (star)
  • Technical quality: 4
  • Academic quality: 3
  • Social interest: 4.5