Bottled Life - Nestlé et le business de l'eau en bouteille

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Synopsis/contenu du film

Ce documentaire suit le journaliste suisse Res Gehriger qui analyse les conséquences de l’implantation et des actions de l’entreprise Nestlé dans certains pays du monde, en recueillant l’avis des populations locales.

Il débute par le cas de l’Ethiopie où Nestlé a mis en place des pompes pour fournir de l’eau aux populations locales mais n’en a pas assuré la maintenance. Il aborde d’autres cas de pays en développement comme le Nigeria, où Nestlé prélève de l’eau pour la vendre sans en distribuer aux population locales qui ont uniquement accès à de l’eau de mauvaise qualité, engendrant des maladies et de la pauvreté. Enfin, le cas du Pakistan est présenté car il a été le lieu de lancement du produit "Pure Life" qui est un fort succès commercial dans ce pays comme dans beaucoup d’autres.

Il s’intéresse également au cas des Etats-Unis, au travers du cas de deux villes de l'État du Maine : Fryeburg et Kingfield. L'entreprise y puise 3 milliards de litres d'eau par an (soit quasiment l'ensemble de sa consommation agricole) dans des sources naturelles, créant des tensions avec les locaux. Mais certains habitants se réjouissent des retombées économiques de l'implantation d'une telle firme.

Ce documentaire interroge ainsi la privatisation de l’eau potable par la multinationale Nestlé et discute à qui appartient l'eau et si c’est un droit pour tous.

Analyse critique

Le reportage cherche à présenter et confronter différents points de vue concernant la vente d’eau en bouteille, que ce soit Nestlé, les consommateurs, les partisans et les opposants. Néanmoins, face au refus de l’entreprise de communiquer clairement sur ce sujet, le film donne malgré lui un avantage aux opposants de Nestlé.

Aux États-Unis, certains habitants se battent contre l’entreprise pour des raisons de protection environnementale et de nuisances dues à la circulation incessante des camions, mais également à la privatisation des rivières et la mise en place de pompages. Ils accusent Nestlé de voler « leur » eau et de dégrader « leur » environnement. D’autres se réjouissent au contraire des retombées économiques et des créations d’emplois qu’une telle entreprise peut apporter.

La confrontation entre les habitants du Maine et Nestlé est inégale. En effet le pouvoir juridique de la population est extrêmement limité face aux avocats de l'entreprise qui se protège contre tout procès. Toutefois le projet a été abandonné car l'eau n'était pas présente en quantité suffisante pour le projet d'implantation de Nestlé.

Nestlé est accusé de pomper les eaux souterraines utilisées par les agriculteurs pakistanais. Humar Hayat, un ex-membre du conseil municipal de la ville dit : « Nestlé nous a pris notre eau, ils ont foré leur propre puits dans leur usine et depuis notre eau est très sale mais surtout le niveau de la nappe est passé de 30 à 120 mètres ». Des propos démentis par le PDG qui affirme n’exploiter que deux des 680 000 puits de la région, faisant semblant d’ignorer que tous les puits ne sont pas identiques et que des impacts peuvent être localisés et non pas régionaux. Comme en Ethiopie, où l’on découvre que les pompes installées par l'entreprise ne sont plus entretenues par Nestlé depuis 2005 et que l’approvisionnement en eau devient difficile pour les populations alentours. Par contre, bien qu’il s’agisse d’une urgence humanitaire, le film ne revient jamais sur cette question.

La militante Canadienne Maude Barlow critique de nombreuses fois l’entreprise et notamment le fait que celle-ci souhaite uniquement se mettre en avant et donner une image positive de la marque dans un simple but marketing et non humanitaire.

A travers le documentaire, on découvre les modes de vie des habitants, le manque d’eau potable, les maladies qui touchent les enfants, voire la mort : comme le souligne Maude Barlow, « il meurt chaque jour plus d’enfants à cause de l’eau polluée que du sida, de la guerre, des accidents et de la malaria réunis. L’eau est la cause de mortalité numéro 1 ». Face à ce problème, Nestlé propose une solution : l’eau « Pure Life », de l’eau puisée dans les nappes souterraines et vendue aux individus qui n’ont pas d’autres accès à l’eau car aucun réseau n’est mis en place.

L'un des aspects marquants du documentaire est le mutisme de l’entreprise Nestlé qui n’a pas souhaité s’exprimer vis-à-vis du business de l’eau, ce qui laisse penser que l’entreprise a effectivement des choses à cacher. Seul l'ancien PDG de Nestlé Peter Brabeck apparait mais ce sont seulement des extraits de ses apparitions publiques lors de conférences où il vante les mérites de l'entreprise. Des avis d'élus sont mis en avant, mais il manque l'avis d'hommes politiques influents qui expliqueraient les enjeux et leurs positions concernant l’entreprise.

Une des apparitions de l'ex-PDG dans le documentaire reste toutefois très controversée : « il y a deux points de vue, l'un est extrémiste il est défendu par les ONG qui tiennent absolument à ce qu'on face de l'eau un bien public. Autrement dit, avoir de l'eau serait un droit pour tous. C'est une solution extrême […] il est préférable selon moi de donner une valeur à une denrée ». Suite à ce questionnement, la marque d'eau la plus vendue au Etats-Unis "Poland Spring" fait elle aussi débat puisque une citerne d’eau estampillée Polland Spring se revend 35 000 euros alors qu'elle est accessible à tous naturellement et gratuitement. Nestlé a toutefois réagi au documentaire "Bottle Life" en affirmant que « ses détracteurs utilisent une interview vidéo que Peter a accordée en 2005 pour affirmer qu'il pense que toutes les sources d'eau devraient être privatisées. C'est tout simplement faux ».

De plus, en 2014, il met en avant l'urgence de trouver des solutions face à la pénurie d'eau dans certains pays et loue leurs actions à l'étranger en montrant la qualité du "contrôle rigoureux" de leurs puits au Pakistan, ou encore le fait que l’usine Doornkloof en Afrique du Sud mette à disposition un robinet distribuant de l’eau gratuitement. Cette dernière réponse leur permet ainsi d’infirmer les accusations portées contre leur refus d’accorder un accès à l’eau aux populations locales. Mais le réalisateur affirme ne pas avoir vu de telles infrastructures… dans ce cas-là qui croire ?

A la sortie du documentaire, l'entreprise a été vivement critiquée et a dû s'expliquer sur certains faits énoncés. Toutefois elle continue d'être le leader mondial d'eau en bouteille et s'associe à des associations pour diffuser une image positive de la marque. L'entreprise a ainsi signé en 2019 un partenariat avec l'association Wecyclers située au Nigéria dans le but de récolter les déchets plastiques. Ce sont en tout 5 points de collecte qui ont étaient mis en place et financés par Nestlé, créant une quarantaine d'emplois. Le directeur général Mauricio Alarcon a ajouté lors de la signature du partenariat : « l’une des ambitions de Nestlé est d’atteindre l’objectif d’un impact zéro sur l’environnement dans le cadre de nos activités, tout en aspirant à un avenir sans déchets. Un élément clé pour atteindre cet objectif est de rendre 100 % de nos emballages réutilisables ou recyclables d’ici 2025 ».

Nous sommes menés à nous demander si le documentaire n'a pas influencé la politique de communication de Nestlé pour démentir certains faits qui les discréditaient. En effet Peter Brabeck a défini celui-ci comme étant « 90 minutes d'anti-Nestlé ».

Le documentaire est facilement compréhensible, à la portée de tous, et a pour but de mettre en avant les enjeux du commerce de l’eau en bouteille. Les nombreuses interviews permettent de confronter plusieurs points de vue. La parole de Nestlé manque et le documentaire nous oriente ainsi vers le point de vue des consommateurs et autres opposants de Nestlé. La dimension sociétale de ce documentaire est très important il communique l’avis des consommateurs provenant de plusieurs pays et de populations différentes plus ou moins riches.

Contributions de Eloise Gorris et Quentin Brancato

 

Mots clés et biblio pour aller plus loin sur le sujet

Mots Clés: Nestlé, Eau, Bouteille, Pompage, Puits, Assèchement, Changement, Conflits, Humanitaire, Propreté

Buchanan C. 2016. “Defending Water for Life in Maine, Water not life, not for profit”. Disponible sur: http://defendingwater.net/maine/category/nestle/ (Consulté le 18a Novembre 2019)

Di Napoli A., 2012. “Nestlé et le business de l'eau en bouteille. Le monde”. 11/09/2012. Disponible sur https://www.lemonde.fr/culture/article/2012/09/11/nestle-et-le-business-de-l-eau-en-bouteille_1757464_3246.html (Consulté le 23 Novembre 2019)

Frederick F. 2019. “Nestlé and the Privatization of Water”. Disponible sur : https://www.globalresearch.ca/swiss-development-aid-nestle-water-privatization/5687211 (Consulté le 22 Novembre 2019)

Lettre de Peter Brabeck à propos du documentaire. 2013. “Documentary film "Bottled Life". Disponible sur: http://www.nestle-waters.com/Documents/Bottled_Life_EN_August_2013.pdf (Consulté le 18b Novembre 2019)

Nestlé. 2019. “A propos du film “Bottled Life”. Disponible sur : https://www.nestle.ch/fr/demandez-nestle/reponses/bottled-life-film (Consulté le 9 Novembre 2019)

Nestlé. 2019. “Does Peter Brabeck-Letmathe believe that water is a human right ?”. Disponible sur: https://www.nestle.com/ask-nestle/human-rights/answers/nestle-chairman-peter-brabeck-letmathe-believes-water-is-a-human-right (Consulté le 25 Novembre 2019)

Nestle Waters. 2019. “Listening and working together in Nigeria”. Disponible sur https://www.nestle-waters.com/our-stories/nestle-waters-in-abaji-nigeria (Consulté le 19 Novembre 2019)

Pulse.ng. 2019. “Nestle Nigeria and Wecyclers to tackles Plastic wastepollution in Lagos “. Disponible sur: https://www.pulse.ng/news/local/nestle-nigeria-and-wecylers-to-tackle-plastic-waste-pollution-in-lagos/b438sg1 (Consulté le 15 Novembre 2019)

Eau usée, eau potable, contaminants, chimie, pesticides, perturbateur endocrinien, pollution

Moore, K., McGuire, K.I., Gordon, R., Woodruff, T.J., 2011. Birth control hormones in water: separating myth from fact. Contraception 84, 115–118. https://doi.org/10.1016/j.contraception.2011.04.014

 

Additional Info

  • Director: Urs Schnell et Res Gehriger
  • Producer: -
  • Language: French
  • Year: 2012
  • Duration (min): 90
  • Theme: Domestic water, Water quality, pollution, Groundwater, Privatisation, Water and health
  • Access: Free
  • Country: Global, USA, Ethiopia, Pakistan
  • Technical quality (star): Technical quality (star)
  • Academic interest (star): Academic interest (star)
  • Societal interest (star): Societal interest (star)
  • Technical quality: 4
  • Academic quality: 3
  • Social interest: 4.5