Le Roman de l’Eau 3 - L’homme et son eau

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Synopsis/contenu du film

Dans un contexte de changements environnementaux et climatique qui altèrent le cycle de l’eau, le documentaire "Le Roman de l’Eau - L’Homme et son Eau" examine la relation que l’Homme entretient avec l’eau pour comprendre ce dérèglement du cycle de l’eau. L’eau serait ainsi un élément de la nature 'sauvage' dont il faudrait maîtriser les irrégularités spatio-temporelles afin de satisfaire des besoins et répondre à différents enjeux. Selon le documentaire, l’Homme entretient une relation de domination de la "nature" où l’Homme met en œuvre des moyens technologiques pour contrôler le cycle de l’eau. Or, l’eau ne pourrait pas être maîtrisée de manière indéfinie sans qu’il y ait des répercussions environnementales et socio-économiques sur le cycle de l’eau et à différentes échelles.

Pour illustrer ce propos, le film nous introduit brièvement au cycle de l’eau. Il présente ensuite différents cas, dans différentes régions du monde, où les activités anthropiques et les approches utilisées pour la gestion de l’eau ont des répercussions négatives sur la ressource elle-même et donc sur l'environnement et les sociétés. Parmi les thématiques abordées, nous trouvons le lien entre les changements dans l’occupation des sols et l’aggravation du risque d’inondation, avec une remise en question des modèles de développement urbain (Calgary) ; les besoins en eau pour certains types d’agriculture dans des régions semi-arides comme la Californie où le sud-est de l’Espagne et la remise en question de la gestion de l’offre comme approche pour la gestion de l’eau ; la croissance démographique et l'épuisement des ressources en eau souterraines et superficielles dans des milieux arides, comme à Amman où Las Vegas. Ici, les modes d’approvisionnement en eau pour le cas d’Amman, et les modes de vie pour le cas de Las Vegas, sont questionnés ; et enfin le projet de transfert interbassin de l’eau de l’Èbre, avec les tensions géopolitiques qu'il engendre.

À la fin du documentaire, une porte s’entre-ouvre pour savoir s'il existe d’autres modèles ou volonté politique qui économisent l’eau dans le monde. Le Maroc est alors cité comme un pays qui adopte des modèles alternatifs dans le choix de l’économie de la ressource en eau.

Analyse critique

Le documentaire met en avant l’idée que l’être humain subit les dégâts qu’il a lui-même engendré sur la nature. Il met l’accent sur sa responsabilité dans les bouleversements actuels du cycle de l’eau et sur le fait qu’il paye les conséquences des erreurs de ses choix politiques et économiques. Le documentaire fait de l’anthropomorphisme en donnant des traits humains négatifs au cycle de l’eau comme l’utilisation des mots "insupportable", "injuste", renforce la personnification du cycle de l’eau en le comparant à L’Homme.

Malgré le ton alarmiste adopté concernant les projets de transferts interbassins en Espagne, le film parle peu des conséquences environnementales et se contente d’évoquer les tensions politiques inter-provinciales générées par ces projets de transfert, le coût énergétique et les déplacements de populations. Il aurait pu également discuter les conséquences liées à la diminution du débit des cours d’eau du bassin versant donneur, telles qu’une possible augmentation de la concentration de contaminants, la perte de biodiversité ou la diminution de la disponibilité de la ressource. Toutefois il est difficile d’approfondir cette thématique dans un temps limité, la disponibilité de la ressource restant l’enjeu majeur.

Le film dresse un portrait assez sombre ; peu d'alternatives et d’actions concrètes sont réellement présentées ce qui produit une impression d’impuissance. Les interventions proviennent essentiellement de la communauté scientifique. Les spécialistes dans le domaine de l’eau apportent un regard critique sur les modes d'infrastructure lourdes construites pour répondre à la demande par l’offre et soulignent les limites d’une telle politique. On peut noter un manque de diversité au niveau des intervenants. Les décideurs sont absents et le point de vue de la société civile également, ce qui ne favorise pas la pluralité des points de vue et des réalités. Le documentaire présente beaucoup d’exemples successifs d’actions de l’Homme entrainant une modification du cycle de l’eau mais le fil conducteur est un peu flou. Les information sont toutefois introduites de façon synthétique et concise, ce qui favorise une compréhension claire du support.

Le Maroc est finalement présenté comme un exemple d’approche alternative dans la gestion de l’eau, car "Le secret serait de trouver de l’eau au niveau local et d’exploiter avec inventivité et un grand sens de l’économie". Le fait de "trouver de l’eau au niveau local" ne peut que se référer à l'exploitation des eaux souterraines. Il convient alors de préciser que le Maroc subit actuellement un déstockage de ses nappes d’eau souterraine, à l’instar de beaucoup de régions du monde. Avec le "Plan Maroc Vert", l’État promeut une gestion de l’eau visant théoriquement à économiser la ressource. Dans cette optique, des subventions sont versées aux agriculteurs qui veulent changer leurs pratiques et adopter des technologies 'modernes' et moins 'consommatrices' en eau. Or, ces technologies basées sur l’irrigation localisée ne sont pas pour autant moins consommatrices en eau. En réalité, les quantités d’eau évapotranspirées restent les mêmes qu’avec le système gravitaire, voire même peuvent augmenter ; si l’irrigation localisée prélève moins d’eau cela se traduit par une diminution des quantités d’eau infiltrées et donc de la recharge d’aquifères en général déjà surexploités. De plus, l’irrigation localisée pourrait aussi inciter les agriculteurs à étendre leurs parcelles irriguées puisqu'ils ont besoin d’une moindre quantité d’eau pour irriguer une même parcelle, si l’on compare avec le système de l’eau gravitaire (Molle et al., 2017). Dans un contexte de changement climatique qui accroit la fréquence des événements extrêmes, tels que les longues périodes de sécheresse, "l'inventivité et le grand sens de l’économie" devraient viser d’autres options centrées sur la gestion de la demande et le respect du potentiel des nappes souterraines.

Le documentaire entend apporter, à la fin, une note positive en expliquant que les mentalités sont en train de changer et que des solutions existent mais il ne précise pas comment les mentalités changent ni concrètement les actions qui sont mises en place pour que la gestion de l’eau soit plus durable. Cette note finale reste vague et échoue à relativiser ou contrebalancer les exemples donnés dans le reste du film.

La qualité technique du documentaire est très bonne. Les plans sont pertinents, alternant vues de haut montrant les paysages des différentes régions ciblées, et vues spécifiques filmées en macro. Il met en valeur l’eau sous ses différentes formes et le choix des paysages permet d’apprécier visuellement le support tout le long de l’écoute. La voix off favorise la fluidité de l’écoute et permet d’absorber l’information diffusée sans difficulté. L’intérêt académique du documentaire vient de sa présentation de différents cas à travers le monde, expliqués par de nombreux intervenants et permettant de bien comprendre les modifications du cycle de l’eau apportées par l’Homme. Il remet en cause les pratiques et choix économiques autour la gestion de l’eau et permet de s’interroger sur les impacts des pratiques tel que la déforestation, l’agriculture intensive et l’expansion urbaine.

Mots clés et biblio pour aller plus loin sur le cas marocain

Belhouari, S. 2019. Secteur de l’eau au Maroc : Pourquoi faut-il miser sur une gouvernance juste et durable ? p. 20

Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE). 2014. La gouvernance par la gestion intégrée des ressources en eau au Maroc : Levier fondamental de développement durable. p. 15

Molle, F. et Tanouti, O. 2017. La micro-irrigation et les ressources en eau au Maroc : un coûteux malentendu. Alternatives Rurales, 5, 22-39.

Contributions de Eduardo Gomez Jimenez et Laureline Ciesielski

 

Additional Info

  • Director: Pierre Bressiant
  • Producer: Adamis Production/TV5 Monde Coproducteurs et partenaires : CNRS Images, France 5, TV5 Monde, Planète+, Universcience
  • Language: French
  • Year: 2015
  • Duration (min): 52
  • Theme: Water scarcity, Climate change, Water quality, pollution, Water governance, Flood
  • Access: Free
  • Country: Global
  • Technical quality (star): Technical quality (star)
  • Academic interest (star): Academic interest (star)
  • Societal interest (star): Societal interest (star)
  • Technical quality: 5
  • Academic quality: 4
  • Social interest: 4