Tresses de vie, voyage au cœur des rivières alpines

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Synopsis

Les rivières en tresses, avec les milieux naturels qui y sont associés, façonnent le paysage des Hautes Alpes. Ce reportage fait appel à de nombreux intervenants afin de mieux comprendre les menaces qui pèsent sur ces milieux, et les outils et documents de gestion qui sont mis en place. Des éclairages sont apportés par le Parc National des Ecrins, le Conservatoire des Espaces Naturels PACA, une animatrice des zones Natura 2000 du département des Hautes-Alpes, et d’autres intervenants comme des élus, ou des représentants des pêcheurs et carriers.

               Les rivières en tresses sont caractéristiques des milieux de montagnes et présentes en France uniquement dans le district hydrographique Rhône-Méditerranée. Elles sont constituées d’un réseau de bras d’eau entremêlés : des chenaux avec une capacité trop faible de transport des sédiments, qui créent de larges lits à fond graveleux ou sableux, dans lequel les bras d’eau se déplacent au rythme des crues.

L’hydromorphologie de ces rivières alpines témoigne de leur régime hydrique particulier, et d’une charge importante en sédiments grossiers. De régime glacio-nival, les rivières en tresses sont alimentées par la fonte des glaces, les nappes alluviales et zones humides de pente : autant de milieux menacés par l’impact humain (micro-centrales hydroélectriques, calibrage, réchauffement climatique, agriculture...).

Ce documentaire fait état d’une biodiversité très importante : les rivières en tresses, grâce à leur large lit et leurs multiples chenaux, permettent le maintien d’une mosaïque d’habitats très diversifiés, allant des plus secs aux plus humides. Elles ont un rôle de corridor, en faisant le lien entre les zones de montagnes et les zones méditerranéennes (les bancs de galets surchauffés l’été servent d’habitats pour de nombreuses espèces adaptées au climat méditerranéen). Le territoire comporte une forte diversité de milieux et d’espèces : paysages méditerranéens comme montagnards offrent une identité propre aux Alpes du Sud et donc une rareté à protéger.

Un message de sensibilisation à la préservation des ressources en eau et des milieux aquatiques est proposé dans le reportage. Les problèmes majeurs qui sont énoncés par les acteurs sont les suivants :

  • Le changement climatique, faisant évoluer le régime glacio-nival vers un régime nival (cas du Drac, ou du glacier blanc qui alimente un affluent de la Durance). De plus, la fonte des neiges a lieu de plus en plus tôt au cours du printemps, et ne permet plus l’alimentation des rivières l’été ;
  • L'incision du lit des cours d’eau suite à l’extraction de matériaux, à la construction des barrages (blocage de sédiments à l’amont et incision à l’aval) et aux endiguements ;
  • Les micro-centrales hydroélectriques et la transition énergétique : blocage des sédiments à l’amont des prises d’eau, problèmes de pose des conduites, diminution du volume d’eau dans les tronçons des cours d’eau court-circuités, déphasage de production d’électricité par rapport à la période de demande ;
  • Il existe des prises d’eau permettant une meilleure continuité sédimentaire mais ce système est très couteux. Donc, ce sont les prises d’eau de type seuil avec chasse d’eau qui sont installées (accumulation des sédiments derrière l’ouvrage et ouverture brutale de la chasse pour désengorger, les poissons en aval étant perturbés : turbidité, courant, granulométrie) ;
  • Des conflits d’intérêts et divergence d’opinions entre les différents acteurs du territoire : élus, associations environnementales, gestionnaires de milieux naturels, industriels … Ces intérêts peuvent apparaître contradictoires entre activités économiques et préservation des milieux.

Analyse critique

Le film a été réalisé par France Nature Environnement Provence-Alpes-Côte d’Azur (FNE PACA), et financé par la DREAL PACA et l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse. Le reportage propose différents points de vue de nombreux acteurs du territoire (élus locaux, AAPPMA, CEN PACA, Parc national des écrins, Syndicat de rivière, Syndicat des carriers). Cette variété d’intervenants offre une diversité d’opinions sur les enjeux du secteur, ce qui n’est pas toujours le cas dans les reportages sur la gestion des milieux naturels. Les différents intérêts des acteurs sont bien présentés.

Les associations environnementales et salariés de structures de gestion et protection de la nature sont représentés positivement. Les autres acteurs tels que les carriers et élus sont présentés de façon relativement neutre. Les services de l’État tels que la police de l’eau par exemple, sont absents du documentaire.

Le film avance un certain nombre de faits at arguments convaincants:

  • L’importance de la biodiversité des rivières en tresses grâce à l’interconnexion d’une mosaïque de milieux naturels ;
  • La fragilité de ces écosystèmes face au changement climatique et aux activités anthropiques ;
  • Après la construction de grands barrages hydroélectriques tels que celui de Serre-Ponçon, on assiste aujourd'hui à un fort développement des micro-centrales (sur des torrents et petites rivières) ce qui pose des problèmes de débits dans les tronçons court-circuités ;
  • Les cours d’eau ont été endigués et calibrés, ce qui à deux conséquences :
  • D’une part cela impact fortement les connexions entre la rivière et ses milieux annexes, notamment les lônes et zones humides. Le calibrage d’une rivière entraine une concentration des débits sur une largeur réduite ce qui empêche le lit mineur d’alimenter ses zones annexes ;
  • D’autre part l’homogénéisation des écoulements impacte les espèces halieutiques (truite fario, écrevisses à pieds blancs, etc.) par la suppression des caches sous-berges et dans le cours d’eau (impossibilité de s’abriter).

Même si on comprend que ces milieux sont fragiles et que différentes activités les affectent, comme la mise en place de micro-centrales hydroélectriques, il semble toutefois y avoir de grosses incertitudes quant à la mesure concrète des dégradations environnementales, lesquelles ne sont pas clairement décrites : selon le bureau d’étude interviewé, on constate un certain pourcentage de diminution des populations de truite fario en fonction des débits laissés en rivières, mais l’incertitudes des estimations apparait.

Les acteurs évoquent un besoin de transition énergétique (diminution de la consommation en électricité plutôt que la construction d’ouvrages hydroélectriques). La recherche de compromis entre des intérêts divergents n’est pas proposée. Bien que le sujet soit évoqué il n’y a pas de discussion quant aux approches possibles pour résoudre ces conflits d’intérêt.

Ce documentaire nous offre des prises de vue modernes, avec une qualité de son et d’images. Les images et plans sont somptueux : des plans resserrés sur des espèces rares dans leur biotope (libellules, aprons, etc.) qui contrastent avec des plans larges (immensité des paysages de montagne, alternance de plans fixes et plan mobiles avec des drones). Le rythme est agréable, les coupures et changements de plans sont fluides. Le spectateur est plongé dans les paysages des Hautes-Alpes durant la totalité du documentaire (pas de moment de latence ou d’ennui). De nombreuses vidéos complémentaires introduites au cours du film (interviews, sites internet, vidéos d’autres structures) permettent d’aller plus loin. Ce concept original donne du dynamisme. Le pari de la vulgarisation scientifique est également réussi : les propos tenus sont compréhensibles pour les novices dans le domaine ; ce qui permet d’avoir une vision d’ensemble du territoire. Pour le public aguerri, les propos énoncés renvoient à de nombreuses notions et filières de l’expertise naturaliste. 

La diversité des acteurs interviewés (élus et professionnels de l’environnement, associations etc.), des opinions et conflits d’intérêts : aspect patrimonial (carrières), socio-économique (hydroélectricité) et écologique (protection de la nature), appuient le caractère d’intérêt général des propos tenus tout au long du documentaire.

Il manque le point de vue des habitants et usagers du territoire par rapport à l’importance du patrimoine et aux usages locaux. Le doigt est mis sur les menaces actuelles (dérèglement climatique, durabilité de la gestion de la ressource en eau, occupation de l’espace alluvial, avec l’urbanisation et la mise en valeur agricole).

(Avec la contribution de Aurélie Haroutiounian et Morgane Massenez)

 

Références bibliographiques

Agence de l’eau : Site internet + vidéos animés de vulgarisation (zones humides et restaurations morphologique rivières)

https://www.youtube.com/channel/UCxuGwbIf-GLww67U6Q-Rz5w

https://www.sauvonsleau.fr/jcms/c_5078/paca--corse#.X6fjAi9h0b0

ARRA, Association Rivière Rhône Alpes Auvergne : vidéos et synthèses retours expériences restaurations rivières (TV&B)

https://www.arraa.org/peches-aux-cas-pratiques

https://www.youtube.com/channel/UC6f_mrxx4-2RlSQkzMMPLOg

Parc National des Ecrins : site internet avec actions, articles sur l’eau et les glaciers

http://www.ecrins-parcnational.fr/le-parc-national-en-actions

OFB (ex ONEMA) : Jean-René Malavoi et Jean-Paul Bravard, « Éléments d'hydromorphologie fluviale ».

https://journals.openedition.org/physio-geo/1532

 

 

Additional Info

  • Director: Mattia Trabucchi
  • Producer: France Nature Environnement Provence-Alpes-Côte-d’Azur (FNE PACA)
  • Language: French
  • Year: 2020
  • Duration (min): 55
  • Theme: Environmental degradation, Water governance, Flood, Wetlands, Aquatic ecosystems
  • Access: Free
  • Country: France
  • Technical quality (star): Technical quality (star)
  • Academic interest (star): Academic interest (star)
  • Societal interest (star): Societal interest (star)
  • Technical quality: 4
  • Academic quality: 3.5
  • Social interest: 3