Tous inondables ?

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Synopsis/contenu du film

Tous inondables est un documentaire de 30 minutes extrait de l’émission « Envoyé Spécial » diffusée sur France 2 le 25 février 2019. Il est basé sur des témoignages de personnes directement impliquées, victimes d’une inondation ou acteurs de l’aménagement du territoire. Il est illustré à l’aide de 3 exemples dans 3 communes différentes (Biot dans les Alpes-Maritimes, Carcassonne dans l’Aude, et Villeneuve-le-Roi dans la région parisienne). Le documentaire montre notamment le désarroi et le stress climatique qu’occasionnent chez les victimes chaque intempérie ou chaque épisode pluvieux. Le point de vue d’acteurs de l’aménagement du territoire (maires, représentants de l’État, promoteurs) met en perspective ces expériences d’habitants avec les stratégies élaborées en anticipation ou en réaction des événements. Au final, le documentaire met bien en lumière les impasses personnelles dans lesquels peuvent se retrouver différents acteurs lorsque leurs moyens d’actions sont entravés, notamment par des choix structurels (caractéristiques des bâtiments), par leur situation (locataire), ou par des dispositifs réglementaires.

Analyse critique

Le reportage met en évidence la violence des évènements majeurs que sont les inondations. Le changement climatique est sûrement à l’origine de l’amplification de ces phénomènes mais beaucoup d’acteurs et de pouvoirs publics sont également pointés du doigt. Depuis des dizaines d’années, et plus précisément depuis 40 ans, l’urbanisation n’est pas contrôlée. La multiplication d’enjeux aux abords de cours d’eau, qui est le résultat d’un laisser-aller de l’urbanisme, fait qu’un quart des français se retrouve aujourd’hui dans des zones particulièrement inondables. Ce développement rapide de l’urbanisme remet en cause la « mémoire du risque », entretenue par les habitants les plus anciens.

Le documentaire met en évidence l’insuffisance et l’inadéquation des actes et des décisions des pouvoirs publics. L’urbanisation non contrôlée, l’utilisation de zones inondables, la mauvaise étude de sol, la dilution des responsabilités, l’absence de communication entre les intercommunalités, le manque d’entretien des cours d’eau et les réglementations trop tardives sont autant de facteurs encore mal gérés par les autorités publiques, qui contribuent au bilan des inondations.

Trois exemples mettent en évidence ce type de faits :

Carcassonne dans l’Aude et Villeneuve-le-Roi en région parisienne

Ces deux cas sont semblables car ils traitent d’enjeux nouveaux. Les constructions ont été implantées en zones inondables connues,  comme pour l’exemple de l’hôpital de Carcassonne, construit dans une zone marécageuse, à l’intersection de plusieurs ruisseaux et situé au-dessus d’une nappe d’eau souterraine. L’hôpital semble implanté au milieu de nulle part, à l’écart de la ville. Il est au centre d’une cuvette inondable. N’était-il pas possible de construire ce centre hospitalier autre part, n’avait-on pas d’autres possibilités, d’autres choix ?

Une mauvaise appréciation du toit de la nappe souterraine a d’ailleurs été révélée lors des inondations dramatiques du 15 octobre 2018 : 50 cm d’eau ont paralysé les sous-sols de l’hôpital. Les coûts de réaffectation, ainsi que les dommages matériels et humains ont impacté considérablement l’organisation de l’hôpital (opérations reportées ou annulées, robots, ascenseurs endommagés…).

Dans le reportage, le maire de Carcassonne interrogé, sur la défensive, témoigne avec agressivité : Gérard Larrat, Maire de Carcassonne, assure qu’il n’est pas responsable du choix des terrains lors de la construction de l’hôpital. Pour lui, ce sont des décisions qui ont été prises par les élus précédents, faisant fi de ses responabilités passées. En 2006, président du conseil d’administration de l’hôpital, il apporte tout son soutien à ce projet, malgré la désapprobation de certains acteurs (syndicats). Il n’assume pas et se dédouane de toutes responsabilités, les rejetant sur d’autres acteurs (services de l’État). Bien qu’il soit difficile de tout prévoir, ce passage pose la question de la prise de responsabilité de certains élus ainsi que de la confiance que l’on peut leur témoigner sur les constructions futures en zones inondables.

D’autres acteurs sont dénoncés dans ce reportage, notamment à Villeneuve-le-Roi en région parisienne où 850 000 personnes vivant le long de la Seine seraient en danger permanent. Cette zone, lors de la crue record de 1910 a été totalement submergée. Le maire de la ville se veut rassurant et dit qu’il est difficile de s’imaginer la Seine déborder et qu’en cas de débordement, les constructions actuelles (jardins en forme de cuvette, parking abaissés, bassins de rétention) contiendraient l’eau. Les promoteurs immobiliers ont le même discours et ne parlent en aucun cas des inondations lors des conditions d’achat de logement sur la commune de Villeneuve-le-Roi.

Il aurait été intéressant d’avoir à ce moment-là du documentaire le témoignage explicatif des promoteurs qui minimisent les risques (« un peu d’eau dans les sous-sols tous les 10 ans ») auprès de la population et des futurs acquéreurs. Les enjeux économiques et financiers sont-ils prioritaires ?

Les habitants interrogés, eux, disent avoir subi deux inondations conséquentes en deux ans. Apparemment, une canalisation non connue, relie la Seine aux jardins des habitations. Et de surcroît, le placement des compteurs au niveau du sol paralyserait le quartier dès les premiers débordements, et priverait pendant plusieurs semaines les riverains d’électricité, qui restent sans assistance. Ils subissent alors, des dommages psychologiques non visibles et non comptabilisés dans les statistiques liées aux intempéries.

Biot dans les Alpes-Maritimes

Enfin dans la ville de Biot, dans les Alpes-Maritimes, l’urbanisation de masse est mise en avant comme cause majeure. Cette urbanisation depuis 40 ans, couplée à une absence de réglementation des années 80 jusqu’à 1998, a provoqué une implantation intense sur des terrains inondables, parfois à des endroits au bord immédiat des cours d’eau.

La difficulté aujourd’hui est de trouver des solutions face à des enjeux déjà existants depuis de nombreuses années. Le maire a le devoir d’ajuster une situation dont il n’est pas responsable. De plus, il subit la lourdeur administrative comme c’est le cas dans le documentaire sur un projet de construction d’un bassin de rétention (contraintes multiples qui ont duré 10 ans : différentes études de la part des différents services de l’État, problèmes de financement, recours du voisinage).

La dilution des responsabilités, mais également l’absence de communication entre les pouvoirs publics sont également dénoncés par les habitants qui se voient traumatisés par l’ampleur et la répétition des inondations. Cette partie du reportage met en évidence les risques humains, les conséquences dramatiques du point de vue psychologique des inondations sur les habitants vivant dans la peur totale d’une reproduction des évènements passés. Certaines habitations ont pu être rachetées par l’État grâce au fonds Barnier, mais d’autres habitations possédant un espace refuge (étage) ne peuvent pas en bénéficier. Le reportage use d’un raccourci de raisonnement : à valeur équivalente (150 à 200 millions d’euros), l’État a privilégié la construction d’un hôpital public à Carcassonne plutôt que de prendre en charge la délocalisation des sinistrés à Biot, présentant implicitement ce « choix » comme une gestion des priorités budgétaires très discutable.

Cela étant, cette mise en perspective, met en lumière l’impasse dans laquelle se trouvent les habitants non relocalisés, incapables financièrement d’assumer seuls leur déménagement, impactés également sur la valeur de leur patrimoine par les nouveaux règlements d’urbanisme. La population concernée se sent menacée quant à leur couverture par les compagnies d’assurances. Interrogés, ils semblent désemparés par la situation, ils protestent contre les pouvoirs publics notamment pour la non-réalisation d’aménagement de prévention contre les inondations qui étaient pourtant une solution adéquate et l’entretien des cours d’eau non effectués.

Ces évènements climatiques sont de plus en plus fréquents et violents et les conséquences demeurent dramatiques d’un point de vue humain, économique et environnemental. Il semble donc important, aujourd’hui et dans le futur, d’entretenir la mémoire du risque et de multiplier les actions de communication et de sensibilisation au risque inondation.

Le documentaire met bien en lumière que la construction en zone inondable est loin d’être anodine. Même lorsque le risque a été considéré, que des mesures d’adaptation ont été anticipées, lorsqu’un événement amène le constat d’une inadéquations structurelle au niveau des bâtiments, les implications pour les usagers (habitants ou gestionnaire d’hôpital) sont difficiles à corriger et induisent des impacts  pénalisants et durables.

L’intervention de spécialistes du risque inondation, par le biais de connaissances techniques, aurait été bénéfique à ce documentaire.

(Contributions de Maxime Cabuy et Baptiste Galinie)

 

Références biblio pour aller plus loin sur le sujet

https://veille-eau.com/videos/tous-inondables-envoye-special

https://www.francetvinfo.fr/meteo/inondations/inondations-dans-l-aude/video-hopital-construit-en-zone-inondable-quand-le-maire-de-carcassonne-n-apprecie-pas-les-questions-d-envoye-special_3197721.html

https://www.francetvinfo.fr/replay-magazine/france-2/envoye-special/envoye-special-du-jeudi-21-fevrier-2019_3170553.html

 

 
 

Additional Info

  • Director: Olivier Sibille, Mathieu Dreujou, Alexandra Kogan
  • Producer: Envoyé spécial
  • Language: French
  • Year: 2019
  • Duration (min): 31
  • Theme: Climate change, Water governance, Sustainability, Flood, Rivers, Water politics, Water and community
  • Access: Free
  • Country: France
  • Technical quality (star): Technical quality (star)
  • Academic interest (star): Academic interest (star)
  • Societal interest (star): Societal interest (star)
  • Technical quality: 5
  • Academic quality: 4
  • Social interest: 5