En quête d’eau – Le danger des forages illégaux

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Synopsis/contenu du film

Ce documentaire porte sur la surexploitation des eaux souterraines en Espagne, et plus précisément en Andalousie. Cette région qui bénéficie d’un climat chaud est l’une des plus grandes productrices de fruits et légumes en Europe, ce qui en fait aussi une grande consommatrice d’eau. Il en résulte d’importants problèmes de surexploitation des ressources en eau, notamment souterraines. Le documentaire se penche sur le cas du parc naturel de Doñana, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, qui se retrouve menacé par l’exploitation intensive des nappes phréatiques par les agriculteurs. Le film aborde cette problématique en croisant le point de vue des agriculteurs et celui des associations de protection de l’environnement, en privilégiant cependant ce dernier.

Le film commence par exposer le point de vue des agriculteurs. Cette activité est présentée comme la seule qui n'a pas souffert de la crise en Espagne, une source stable d’emploi et de création de richesse. Dans ce contexte, la grande rentabilité des productions pousse les agriculteurs à augmenter les surfaces cultivées au-delà de ce qui est autorisé et à créer des forages illégaux pour les arroser. Les agriculteurs expliquent ne pas avoir le choix, se plaignant de la lourdeur et la longueur des procédures administratives qui encadrent la réalisation des forages. Comme ils ont souvent besoin de forer en urgence, pour faire face à des situations de sécheresse, ils n’hésitent pas à le faire dans l’illégalité. Ils insistent sur les risques financiers qu’ils prennent, puisqu’ils n’ont jamais la garantie de pouvoir trouver de l’eau lorsqu’ils forent.

Le documentaire montre ensuite qu’un autre modèle de production agricole est possible, à travers le témoignage d’une exploitation de production d’agrumes, en agriculture biologique, qui utilise des techniques de fertigation optimisées. Ces techniques permettent de réaliser d’importantes économies d’eau et une réduction d’utilisation d’engrais.

Le documentaire nous montre ensuite les impacts environnementaux de cette surexploitation des nappes. L’abaissement des eaux souterraines impacte le fonctionnement des zones humides qui devraient pourtant être protégées au titre de la législation nationale et européenne. Pourtant, face à ce problème majeur, les autorités semblent ne pas disposer de moyens rapides et efficaces pour repérer les forages illégaux et les fermer. La police de l’eau peine à remplir ses missions et ses agents sont même menacés. Même si dans cette situation l’Europe intervient en imposant des sanctions pour non-respect des réglementations sur l’eau, le lobbying local et l’importance économique de la production agricole empêchent l’Etat d'agir en faveur de l’environnement. Le documentaire conclut sur l’impuissance des brigades d’inspection à stopper la prolifération des forages illégaux devant l’importance des intérêts économiques en jeu et les relais politiques dont ils bénéficient.

Analyse critique

Ce documentaire de courte durée (32 minutes) nous permet de prendre connaissance d’un problème en pleine expansion, concernant la surexploitation de la ressource en eau souterraine. Le documentaire illustre cette problématique en prenant pour exemple l’Andalousie et sa production agricole intensive qui, en surexploitant les nappes, dégrade les milieux naturels associés, notamment les zones humides.

Le documentaire nous montre que l’eau est une ressource indispensable et fortement convoitée pour le type d’agriculture exercé (fruits) dans ce milieu aride. Cette situation entraîne la convoitise des agriculteurs qui s’approprient cette ressource alors qu'il s’agit d’un bien commun, et les poussent à réaliser des forages illégaux. Certains en viennent à avoir des comportements criminels (menaces à l’encontre des officiers de la police de l’eau).

Ce film illustre la réelle difficulté de l’Etat en matière de contrôle des prélèvements d’eau souterraine. On dénombre deux causes : les implantations de forage sont réalisées dans le but de ne pas être repérées (souvent dans des forêts). Ainsi, on se retrouve face à des installations situées dans des milieux naturels sensibles et éloignées des terres agricoles, donc difficilement localisables. De plus, la confédération hydrographique est impuissante administrativement, le gouvernement ne lui cède aucun pouvoir de police de l’eau. La priorité est le développement économique de la région et l’emploi, mais on peut se demander s’il n'y a pas de la corruption. Les associations de protection de la nature sont un contre-pouvoir mais ne sont pas à la hauteur de la capacité d’influence des lobbies agricoles. Ces derniers ont une influence très forte sur la politique locale et empêchent la mise en place de moyens de contrôle et de sanctions. Ils sont d’autant plus puissants qu’il s’agit de l’unique secteur n’ayant pas souffert de crises économiques depuis 2008. Ainsi, les producteurs d’avocats estiment que la réponse à la demande des consommateurs est plus importante que l'impact de cette production sur la ressource, qui a généré pourtant une consommation de 400 litres par avocat produit.

D'après l'activiste Felipe Fuentelsaz de l’ONG WWF, le réel pouvoir appartient aux consommateurs, mais ceux-ci ne s’intéressent pas aux pratiques d’exploitation, ni à l’origine de leurs produits. On peut cependant remarquer que cet argument aurait été plus efficace avec l’intervention dans le film des consommateurs et l’explication de leurs choix. En effet, cela aurait permis d’intégrer la dimension économique de cette situation et de mieux comprendre les motivations des agriculteurs.

On nous expose un point de vue assez binaire où d’un côté on a les “mauvais” agriculteurs qui cherchent à tout prix l’augmentation de leurs rendements en négligeant la ressource, et de l’autre le “bon” agriculteur avec une utilisation de capteurs permettant une bonne distribution de l’eau. On a donc un discours très peu nuancé, avec des agriculteurs peut-être extrêmes dans leurs pratiques et très éloignés de la situation de la majorité des agriculteurs en Espagne.

On peut critiquer le fait de ne présenter qu’une seule solution (technologique) face à la surexploitation de l’eau. Cette solution semble coûteuse et ni la question de la faisabilité de cette technique sur tout type d’agriculture, ni celle de l’économie d’eau réelle qu'elle permet ne sont abordées. A la fin de la présentation, une interrogation se pose: pourquoi n’est-elle pas adoptée par les autres agriculteurs ?

En fin de compte, le documentaire décrit un gouvernement espagnol irresponsable en termes de préservation de la ressource, qui favorise le développement économique de ce secteur au détriment de l’environnement. La question de la conformité de cette politique avec la directive cadre Européenne et les sanctions qu'elle pourrait entrainer n'est pas abordée. Malgré une présentation un peu binaire le film décrit néanmoins une réalité qui dépasse largement l'Espagne et n'en pose pas moins un défi de grande ampleur à la gestion durable des ressources en eau: la difficulté ou le manque de volonté de contrôler la multiplication des puits illégaux et la surexploitation qui en résulte.

(Contributions de Sian Lempereur-Castelli et Aurélie Boura)

Références biblio pour aller plus loin sur le sujet

https://www.nouvelobs.com/planete/20161117.OBS1338/vous-ne-regarderez-plus-jamais-les-avocats-de-la-meme-facon.html

https://www.travauxapart.fr/guides/prix-dun-forage-puits

https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52018PC0392&from=EN

 

 

 

Additional Info

  • Producer: Rundfunk Berlin-Brandenburg/ARTE
  • Language: French, German
  • Subtitles: English, Spanish
  • Year: 2019
  • Duration (min): 32
  • Theme: Water scarcity, Irrigation & agricultural water management, Groundwater, Water governance, Sustainability, Water and community
  • Access: Commercial
  • Country: Spain
  • Technical quality (star): Technical quality (star)
  • Academic interest (star): Academic interest (star)
  • Societal interest (star): Societal interest (star)
  • Technical quality: 4
  • Academic quality: 3
  • Social interest: 4.5