Synopsis/contenu du film
Ce documentaire réalisé en 2021, issu de la série télévisée 'Temps Présent', présente la pollution chimique des eaux souterraines suisses.
« L’eau est un bien vital », c’est sur ces mots que le documentaire commence et nous emmène au cœur de la vallée du Léman, en Suisse. D’anciennes décharges et des sites pollués par des produits chimiques ont provoqué et provoquent encore actuellement des dégâts environnementaux importants le long du Rhône, jusqu’au Lac Léman, ainsi que dans les nappes phréatiques. En Suisse, on compte pas moins de 38000 sites pollués, dont 4000 représentent une menace pour les eaux souterraines. Le canton du Valais est l’un des plus touchés, à cause de ses industries d’autrefois qui enfouissaient des déchets et rejetaient des produits toxiques avant que des normes environnementales ne soient fixées. Certes, ces industries ont contribué à créer de nombreux emplois, mais elles laissent derrière elles de nombreuses décharges où des polluants tels que le mercure, la benzidine, le chrome et bien d’autres substances cancérogènes sont présentes dans les sols et s’infiltrent dans les nappes phréatiques. Ces anciennes décharges sont aujourd’hui en cours d’assainissement, non sans complications.
De nombreuses situations illustrent la problématique de cette pollution. Un directeur d’entreprise à qui l’on demande de payer l’assainissement de son terrain, une ancienne décharge aujourd’hui polluée, refuse cette responsabilité et la rejette sur l’Etat car il n’était pas au courant de ce fait au moment de l’achat. Un autre exemple présente une décharge non assainie qui est devenu un parc, où les familles se promènent avec leurs enfants. Toutefois, le sol est encore contaminé au mercure et au chrome, ce qui peut présenter un risque pour la santé. De nombreux acteurs de ce canton Suisse, tels que des chefs de service environnemental ou de petits agriculteurs, nous exposent les problèmes majeurs qui résultent des activités industrielles passées, quand les normes de rejet n’étaient pas une priorité. Les travaux de correction du Rhône, qui ont pour but d’élargir son lit pour limiter l’impact des crues, ont entrainé une rupture de l’imperméabilité du lit du Rhône, faisant remonter la nappe de 2 mètres et menaçant certaines zones habitées. On a alors pompé les eaux souterraines en les rejetant dans le Rhône. Malheureusement, cette eau souterraine est connectée au sous-sol gravement contaminé de benzidine d’une ancienne décharge.
Ce documentaire finit en évoquant les risques de retrouver des substances dangereuses dans l’eau du robinet produite à partir de l’eau du Léman ou de nappes phréatiques polluées. L’eau potable étant surveillée et contrôlée, il n’y aurait pas de risque. Un problème est que l’on trouve de moins en moins de points d’eau qui ne sont pas impactés par des traces de polluants, et même si les concentrations sont très faibles ceci est préoccupant. Pour l’instant, la réglementation ne serait pas encore assez stricte. Cependant, la confédération Suisse s’est fixé un cap pour l’assainissement de son sol d’ici 2040. Au vue de la complexité de chaque site, et des coûts des solutions de remédiation, rien n’indique que le pari sera tenu, d’après ce reportage.
Analyse critique
Ce documentaire sensibilise la population aux questions de pollution chimique des sols et de l’eau et à la responsabilité des entreprises chimiques. Il a une portée exclusivement sociale. Les explications du narrateur restent simples et claires pour un public profane, mais ne rentrent jamais dans le détail, les chiffres ou les phénomènes complexes de pollution. On ne se sait d’ailleurs pas très bien d’où viennent les informations citées. Toutefois, de nombreux cas de contamination sont cités, ce qui rend le documentaire riche en exemples.
Les deux réalisateurs, Jean-Daniel Bohnenblust et Xavier Nicol, sont des habitués de la réalisation de documentaires choc sur des sujets d’actualité révoltants ou impactant. Par exemple, Jean-Daniel Bohnenblust réalisa « Être connecté peut nuire gravement à votre santé », autre documentaire qui veut marquer le téléspectateur. « Du poison dans notre eau potable » ne déroge pas à cette règle, comme le montre le titre. En reliant directement poison et eau potable, la population se sent concernée. La musique d’introduction est angoissante, puis appuie les révélations choquantes du narrateur. Le rythme des séquences est d’abord frénétique, avec une succession d'images rapides de déchets, et le ton du narrateur est alarmiste. Ces procédés permettent de faire peur et de captiver le spectateur. Le rythme devient ensuite plus calme en nous projetant des paysages, mais les problèmes cités et les personnes interrogées à leur sujet restent nombreux.
Les personnes interviewées sont au nombre de 16 dans un documentaire de 50 minutes. Ils ne parlent jamais bien longtemps. La plupart sont des acteurs de l’aménagement et la gestion de l’eau, des élus ou des directeurs de projet en environnement. Les autres travaillent pour les industries chimiques polluantes, telles que CIMO ou Lanza. Ils présentent les différentes problématiques et la difficulté de trouver des solutions. Deux d’entre eux peuvent être considérées comme victimes de la pollution, le directeur de Normpack à qui on demande de payer l’assainissement du terrain alors qu’il n’est pas responsable de sa pollution, et Daniel Domig, un agriculteur dont la production a été fortement affectée par une contamination à la dioxine. La commune d’Ollon se place aussi en victime, avec son accès simple à l’eau potable qui se trouve contaminé. Peu de scientifiques sont toutefois interrogés. Vincent Perret, toxicologue à TOXpro SA, intervient à la fin du documentaire pour expliciter les effets des contaminants et poser la question de l’auto-évaluation des industries. L’auto-gestion du contrôle des contaminants est aujourd’hui peu efficace face à la quantité de pollution produite. Les contrôles doivent donc être plus stricts et rigoureux afin de pallier les problèmes de pollution diffuse, et se faire par l’Etat pour assurer une transparence totale. Martin Forter, médecin, montre que la présence de benzidine dans les puits d’irrigation était connue depuis une décennie par les entreprises et qu’un assainissement aurait dû être réalisé plus tôt.
Malgré les nombreux cas de pollution étudiés, à la benzidine ou au mercure, les réalisateurs n’ont pas investigué scientifiquement les effets sur la santé de la population. Dans un documentaire parlant de poison dans l’eau potable, les conséquences sur cette eau destinée à la consommation ne sont, curieusement, pas discutées ni même prouvées. Elle est seulement mentionnée via Daniel Domig, dont des tests de santé ont révélé qu’il était contaminé par la dioxine. Les impacts sur l’environnement, notamment les milieux aquatiques, sont également passés sous silence. On se concentre uniquement sur les sols et les causes de leur contamination, très peu sur l’eau potable finalement.
Le point de vue des journalistes n'apparait qu'en filigrane et n'est pas imposé. On comprend néanmoins que les élus ont tout fait pour cacher les pollutions aux citoyens bien que cela ne soit pas explicitement affirmé. Le documentaire peut donc laisser le spectateur sur sa faim. Quel est le but de ce reportage vis-à-vis des industries chimiques ? Peut-on avoir confiance en elles ? Faut-il mieux les encadrer ? Quelle est la responsabilité de l’Etat ? L’eau 'potable' est-elle en fin de compte impropre à la consommation ? Ces questions restent en suspens mais le documentaire révèle néanmoins un problème -l’héritage toxique de la période industrielle- que l’on rencontre au niveau global, comme en témoigne la cas américain avec la loi de 1980 'Superfund' (https://fr.wikipedia.org/wiki/Superfund) visant à nettoyer les sites souillés par des déchets dangereux.
(Contributions de Julien Chabat et Heliodora Belot)
Bibliographie
https://www.researchgate.net/publication/283210995_La_contamination_du_Leman_par_les_micropolluants_-_revue_de_40_ans_d%27etudes
https://www.vs.ch/web/sen/gamsenried
https://www.letemps.ch/suisse/projet-troisieme-correction-rhone-prend-leau
https://www.rts.ch/info/regions/valais/11954047-presence-de-fortes-doses-de-mercure-et-de-plomb-sur-un-site-de-loisirs-a-monthey.html