La Chine empoisonnée (China's Cancer River)

damnation

Synopsis/contenu du film

Ce documentaire dénonce la pollution dans la rivière de Huai, qui prend sa source dans la province du Henan en Chine qui rejoint la mer de Chine dans le Jiangsu, et son incidence sur le taux de cancer dans les villages du bassin versant. La première partie introduit brièvement la biographie de Huo Daishan, le plus grand défenseur de l’environnement de Chine et son engagement dans la cause environnementale ; il nous présente la "rue du cancer" dans son village natal, où chaque famille compte un membre atteint de cancer. Plusieurs victimes témoignent de leur état de santé dégradé et de leur incapacité à travailler.

Dans la seconde partie Huo Daishan nous parle de son combat quotidien au sein de son ONG Huai Guardians (Huaihe Weishi) et les moyens dont il dispose pour la médiatisation et sensibilisation de la situation du bassin alluvial de Huai où coule un cocktail de produits toxiques, avec un taux de métaux lourd 3000 fois supérieur au seuil autorisé. Dépendant du soutien de donateurs privés, son champ d’action reste restreint et le seul moyen de pression dont il dispose est le passage par les autorités supérieures à Pekin. Huai Daishan, malgré les menaces qu’il reçoit quotidiennement, reste déterminé à mener son combat pour un appel à l’action et à l’engagement des autorités.

La troisième partie présente le travail fait par Greenpeace à Pékin à travers la rédaction de rapports et d’actions menées pour sensibiliser les autorités supérieures et dénoncer la gravité de la situation : ils qualifient leur travail d’un bébé qui contrôle un géant. Le film donne alors l’exemple d’un agriculture qui a perdu la vie avec son fils par inhalation d’hydrogène ainsi qu'un dispositif mis en place par Huo Daishan et ses fils pour aider les riverains à avoir un accès à l’eau potable, en lançant un appel pour l’adoption de cette technologie et étendre l’accès à l’eau potable.

Analyse critique

Le documentaire a été réalisé par Edgar Wolf de APPOLOFILM pour le compte d’ARTE Reportage en 2013. Son objectif est de dénoncer la gravité de la situation dans le bassin de Huai et la forte dégradation de la qualité de l’eau dans l’espoir d’aider à l’essor d’une défense environnementale visant à un meilleur traitement des effluents industriels. Les intervenants sont principalement des victimes qui nous rapportent leurs témoignages et des militants activistes écologistes d’ONG internationale comme Greenpeace ou locale comme, Huaihe Weishi, ou du blogueur Deng Fei, qui nous exposent leur engagement quotidien. Parallèlement on remarque l’absence d’acteurs gouvernementaux parmi les acteurs interviewés. Le narrateur se contente de nous reporter le discours des différents intervenants et on observe l’absence des questions et échanges entre l’interviewer et les intervenants.

La Chine est le plus grand pays en développement connaissant une industrialisation rapide. La demande en eau ne cesse d’augmenter et la gestion de cette ressource n’arrive pas à suivre. 190 millions de Chinois consomment de l’eau polluée quotidiennement. Afin de changer les choses une gouvernance plus stricte et un investissement dans les systèmes de collectes et de traitements sont indispensables pour l’amélioration de la qualité de l’eau et favoriser un accès à l’eau potable. Cependant le film met en évidence le manque d’implication et l’insensibilité des autorités vis-à-vis de la situation. Ceci est suggéré par le contraste  entre la composition du staff de Greenpeace et ses 60 personnes et les 10 personnes travaillant sur la qualité de l’eau au ministère de l’environnement Chinois. Certains activistes jugent que le gouvernement est à la fois le complice et le dénonciateur: il est considéré comme complice dans le sens où à l’échelle régionale il tranche en général en faveur des industries qui contribuent à la production économique ; mais d’un autre côté une pression de la hiérarchie peut susciter une intervention en faveur de la cause environnementale.

Le film nous présente un seul cas d’étude et un 'zoom out' sur la situation dans les autres bassins fluviaux auraient été souhaitable. Sans perspective plus large on peut se demander si le choix du titre ('La Chine empoisonnée') est pertinent au niveau national.

Une décennie après la diffusion du film, les ONG se sont multiplié et ont misé sur l'éducation pour sensibiliser la population. Mais la pollution n’est toujours pas suffisamment contrôlée même si un bon nombre de stations d’épuration ont été construites, car parallèlement il y a eu une augmentation de la population urbaine et du PIB ce qui a causé davantage d'émissions polluantes.

En décembre 2017, l'Assemblée populaire nationale a révisé la loi connexe sur la prévention et le contrôle de la pollution de l'eau avec un programme pilote « Chef de rivière » qui consiste à nommer des cadres gouvernementaux, gouverneurs de province, ou chefs de comité de village, responsable d'une rivière ou d'un segment de rivière en particulier. Ce système de gestion des cours d’eau est fondé sur la responsabilisation à tous les échelons des fonctionnaires haut placés. Ce programme est remis en cause par les activistes et les ONG qui pensent qu'il s'agit surtout de rassurer et calmer les populations en indiquant aux gens que le gouvernement prend cette question très au sérieux. Parmi eux, Ma JUN le directeur de l'une des ONG environnementales les plus dynamiques de Chine, l'Institute of Public & Environmental Affairs (IPE), souligne que "C'est une caractéristique très chinoise de faire les choses du haut vers le bas", "Mais comment s'assurer que le message est transmis de bas en haut est un gros problème."

A l’instar des autres pays industriels, la Chine est confrontée à la pollution de l’air, de l’eau et des sols produite par son essor économique rapide. Mais la magnitude des problèmes est à l’échelle du pays. Saura-t-elle donner la priorité à la protection de l’environnement avant que la contamination se généralise et devienne difficilement réversible?

(Avec des contributions de Souhila Amrioune)

 

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Additional Info