Synopsis/contenu du film
Dans le cadre de la sensibilisation du public aux conséquences du changement climatique, la chaîne de télévision ARTE a réalisé un documentaire sur la situation actuelle aux Pays Bas face à la montée des eaux. En effet, le territoire Néerlandais étant pour partie situé en dessous du niveau de la mer, l’augmentation de ce niveau est susceptible d’impacter le littoral et de créer des inondations dans certains polders. Conscient de cette problématique, les chercheurs Néerlandais réfléchissent aux stratégies pouvant enrayer ou réduire les impacts de la montée du niveau de la mer. Notamment, l’utilisation de la Spartina Anglica, une espèce d’algues, dans le renforcement des digues pour la protection du littoral. Plusieurs essais sont effectués par les chercheurs pour évaluer la fiabilité de cette solution basée sur la nature. La culture de ces algues permet de réduire la production de CO2 donc de gaz à effet de serre, vu qu’elles en ont besoin pour leur reproduction.
Le film s’intéresse également à la mise en place d’une ferme flottante, qui alimente des circuits courts et contribue à la diminution du CO2 dans le transport et la production des produits animaux, et à la mise en place d’infrastructures plus durables. Aussi, une autre particularité des algues a été présentée notamment, leur utilisation comme additifs protéiniques dans les produits alimentaires pouvant servir d’ingrédient propre à la consommation humaine. Les chercheurs Néerlandais se targuent d’être la référence dans la protection des côtes et espèrent voir des résultats probants dans les années à venir.
Analyse critique
Trois axes de réflexions principales sont développés durant ce film à savoir :
- La protection du littoral par les algues
- Les fermes flottantes
- La transformation des algues en additif protéinique destiné à la consommation humaine
S’agissant de la protection du littoral, le renforcement des digues est assuré par une espèce d’algues appelée « Spartina Anglica » ou encore spartine Anglaise. Selon les essais effectués, ces algues apportent une résistance aux digues et évitent qu’elles s’érodent sous l’effet du mouvement des vagues. Une machine permettant de simuler des vagues a été réalisée dans le but d’avoir une vision plus concrète des effets de la spartine dans le renforcement des digues et d’en évaluer la résistance. On assiste à sa mise en place mais rien n'est dit sur les conclusions qu'elle aurait permis d’atteindre. Cette solution est présentée comme une valeur sûre pour la protection des côtes. L’utilisation des algues dans le renforcement des côtes n’étant pas une étude récente (Ortlieb, Barrientos, et Guzman 1996), l’on peut se demander –si leur intérêt est si évident- pourquoi elles ne sont pas davantage intégrées dans les stratégies des pays impactés par l’augmentation du niveau de la mer. Une des explications serait qu’en réalité ces algues peuvent-être nocives pour le milieu (Emmerson 2000). En effet, leur prolifération peut entraîner des phénomènes d’eutrophisation lors d’un apport excessif de nutriments dans le milieu (Pinay et al. 2018).
En Asie, l’algoculture est assez répandue et fait partie de leur gastronomie, le Wakamé en est un exemple, une algue alimentaire qui nous vient d’Asie et qui a de nombreuses vertus nutritionnelles. Toutefois, des contraintes naturelles, environnementales et anthropiques qui réduisent et menacent cette culture, a provoqué un recul de la production chinoise (Litzler 2012). En Europe, les algues sont principalement utilisées dans l’industrie pour en extraire des composés gélifiants. Bien que les études réalisé par le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) confirme qu’elles représentent un enjeu majeur sur le plan environnemental, la réglementation ne permet pas développée davantage l’algoculture, sachant qu’aucune norme n’a été établie en ce sens, étant donné qu’elles peuvent-être dans espèces invasives et nocives pour le milieu naturel (Potin 2021).
Emmerson explique également que la défense côtière par la spartine anglaise favorise le développement de nouveaux habitats créant ainsi des zones vasières. Cependant, ces zones peuvent se transformer et provoquer la prolifération d’espèce invasives perturbateurs, ce qui aurait des effets néfastes majeurs sur l’écosystème aquatique. Les apports supplémentaires de matières organiques modifient les associations végétales et provoquent une chute de la productivité benthique tout en accélérant la sédimentation. De plus, leur production sera-t-elle en quantité suffisante pour limiter sur le long terme les effets dévastateurs de l’augmentation du niveau de la mer ?
La réduction de gaz à effets de serre est la solution la plus directe pour lutter contre le changement climatique. La mise en place de technologies innovantes telles que les fermes flottantes et la construction de bâtiments écologiques pourraient selon eux, réduire substantiellement la production de CO2. Dans ces fermes flottantes, l’usage des rebuts alimentaires permet d’alimenter les animaux. La collecte des déchets se fait durant deux phases qui permettent de séparer les phases solides (transformés en engrais) et la phase liquide (transformée en eau propre puis rejetée dans le milieu).
L’eau de pluie est aussi utilisée pour l’abreuvement des vaches et les produits laitiers obtenus sont distribués aux habitants les plus proches, limitant ainsi le transport et la production de gaz à effet de serre. Cette technologie valorise tous les déchets et limite les retombées négatives sur l’environnement ; elle s’intègre parfaitement dans un concept d’économie circulaire. La deuxième technologie se base sur les constructions écologiques assimilables à une ville durable. Tout est réutilisé de manière durable afin de limiter le plus possible la pression anthropique sur le milieu naturel.
Toutes ces technologies ont certes des aspects positifs, mais les limites ne sont toujours pas évoquées. Les cas particuliers de réussite ne peuvent-être généralisés car de nombreux paramètres doivent être pris en compte.
On note un décalage entre le titre du film et les sujets abordés. La cohérence entre le sujet principal (la protection du littoral par la spartine anglaise et les autres technologies) et les fermes flottantes n'est pas évidente. Dans l’ensemble, ce documentaire est assez décousu et reste assez informatif, sans plus. Les solutions exposées semblent intéressantes mais on a le sentiment qu'elles restent des prototypes ou sont marginales, et ne seront pas facilement généralisées. En définitive le message subliminal selon lequel l’innovation trouvera des réponses au changement climatique peut susciter de la complaisance et de faux espoirs. L’impact de ce film reste donc ambigu.
(avec des contributions de Lou Carine Tra)
Références bibliographiques
Emmerson, M. 2000. « Remedial Habitat Creation: Does Nereis Diversicolor Play a Confounding Role in the Colonisation and Establishment of the Pioneering Saltmarsh Plant, Spartina Anglica ? » Helgoland Marine Research 54(2‑3):110‑16. doi: 10.1007/s101520050009.
Fleurence, Joël. 2018. Les algues alimentaires: bilan et perspectives. Paris: Lavoisier-Tec & doc.
Guillet, Fanny. 2019. « Séquence Éviter-Réduire-Compenser : quelle biodiversité est visée par les mesures d’évitement ? »
Litzler, Sophie. 2012. « L’algoculture et ses contraintes géographiques en Chine ». EchoGéo (19). doi: 10.4000/echogeo.12913.
Ortlieb, Luc, Sergio Barrientos, et Nury Guzman. 1996. « Coseismic Coastal Uplift and Coralline Algae Record in Northern Chile: The 1995 Antofagasta Earthquake Case ». Quaternary Science Reviews 15(8‑9):949‑60. doi: 10.1016/S0277-3791(96)00056-X.
Pinay, Gilles, Chantal Gascuel, Alain Ménesguen, Yves Souchon, Morgane Le Moal, Alix Levain, Claire Etrillard, Florentina Moata, Alexandrine Pannard, et Philippe Souchu. 2018. L’eutrophisation. éditions Quae.
Potin, Philippe. 2021. « La Fondation Lloyd’s Register, en partenariat avec le CNRS et UN Global Compact, lance une coalition pour mieux accompagner le développement industriel de la filière algues, avec le soutien du monde de la recherche. Retour sur les grands enjeux que soulèvent cette initiative avec son coordinateur scientifique, le biologiste Philippe Potin. »
Sites consultés
https://www.ecologie.gouv.fr/comprendre-giec
https://fr.wikipedia.org/wiki/Spartina_anglica
https://reporterre.net/La-culture-d-algues-suscite-l-enthousiasme-des-ecologistes-et-de-l-industrie
https://www.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/algues-marines-un-enjeu-planetaire
https://jardinage.lemonde.fr/dossier-1644-wakame-algue.html
Vidéos similaires
https://www.youtube.com/watch?v=coMsre5RAbk&t=4s
https://www.youtube.com/watch?v=80WknfpwejE
https://www.youtube.com/watch?v=zkiAVKzgOaU&t=2s
