Rivières perdues

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Synopsis/contenu du film

Avec l’arrivée de l’industrialisation et le non assainissement de l’eau (créant des égouts à ciel ouvert) des épidémies de choléra sont apparues. En réponse à ce problème d’épidémie, la plupart des cours d’eau urbains ont été enfouis sous les rues et autres infrastructures. De nos jours, pour des raisons autant économiques qu’écologiques ou encore patrimoniales, des personnes ont décidé de remettre à la lumière du jour ces cours d’eau disparus. Le film s’articule autour de différentes villes du monde. Ces exemples sont entremêlés si bien qu’on revient plusieurs fois dans la même ville.

Le documentaire s’ouvre à Montréal sur deux « Drainers » qui explorent la rivière Saint Pierre enfouie dans le réseau d’égout de la ville. A travers une exposition de photographies artistiques sur les rivières perdues de Montréal, ils veulent faire réfléchir les gens sur ce qui a changé.

Nous partons ensuite dans le berceau des villes industrialisées, à Londres, où l’on apprend que 15 à 20 cours d’eau, soit environ les deux tiers des affluents de la Tamise, sont enfouis sous la ville suite à de gros problèmes d’eaux usées au XIXème. Le cas de la rivière Quaggy est donné comme exemple. Lors de fortes précipitations, le débit de la rivière couplé à l’augmentation des arrivées d’eaux dans les égouts provoque de gros dégâts : geyser (par les bouches d’égout), inondations… La ville de Londres a alors effectué des expérimentations 'à ciel ouvert' en vue de lutter contre les inondations. Il a été décidé de recréer une zone humide ayant pour objectif d’être à la fois une zone d’expansion de crue et un foyer de biodiversité. Cette stratégie « sans regret » est encore en expérimentation bien que la mairie de Londres choisisse de multiplier et d’encourager ces projets dans les villes.

A Toronto, la rivière enfouie Garrison provoque l’affaissement de maisons. Dans les égouts sont mélangés les eaux de la rivière, les eaux de pluie ainsi que les eaux non traitées. En temps normal les eaux sont envoyées vers l’usine de traitement. Mais en cas de fortes pluies et de débordement du réseau, les eaux sont rejetées directement dans le lac Ontario qui borde la ville provoquant la pollution des plages. Dans les années 1990, deux architectes ont adopté une nouvelle approche et ont proposé de diriger l’eau de pluie vers les parcs afin de créer des étangs faisant office de bassin de rétention et diminuer ainsi de moitié selon eux le volume de ruissellement. Leur projet fut rejeté et la ville a décidé d’enfouir un peu plus la rivière et de créer de nouveaux tronçons d’égout pour atténuer la montée de l’eau.

A Yonkers (au nord de NY), la Saw Mill river a permis pendant des siècles à la ville de prospérer jusque dans les années 1920 où un parking a recouvert la rivière. Aujourd’hui, la municipalité a décidé de supprimer le parking et de redécouvrir une partie de la rivière pour créer un parc et redonner de l’attrait au centre-ville. Ce projet très important en termes d’investissement pour la ville et pour les citoyens a permis de redynamiser une nouvelle rivière et de recréer un écosystème.

A Brescia en Italie, l’association Brescia Underground est l’une des seules associations de drainers reconnues par les autorités. L’association organise des visites guidées dans les réseaux de rivières romaines sous la ville pour montrer le patrimoine historique caché sous le béton de la ville. Il mène en parallèle une opération avec la mairie pour essayer de retrouver et de remettre à la lumière du jour un ancien lac se trouvant au cœur de la ville.

Le documentaire nous transporte enfin à Séoul et la rivière Cheonggyecheon. Recouverte par une immense autoroute dans les années 60, celle-ci sera détruite à la fin des années 90 à la demande du maire qui souhaite donner plus de place aux espaces verts et aux piétons dans la ville. Malgré les protestations lors de la destruction de l’autoroute et les critiques d’environnementalistes, aujourd’hui les berges du Cheonggyecheon permettent de donner une dimension naturelle importante à l'une des villes les plus technologiques au monde. Dans ce projet de réhabilitation, les ingénieurs ont voulu garder à l’esprit les erreurs du passé afin de ne pas les reproduire. C’est pourquoi un vestige des piliers de l’ancienne autoroute a été conservé dans le lit de la rivière.

En conclusion, il est dit que les cours d’eau ont toujours rassemblé les hommes. De nos jours la majeure partie de la population vit en ville. Alors la question se pose de désenfouir ou non les rivières souterraines, les objectifs pouvant varier (atténuation des inondations, régulation d’arrivée d’eau trop importante dans les canalisations, ou bien encore amélioration du cadre de vie urbain).

Analyse critique

Le documentaire souligne négativement le fait d’avoir recouvert les cours d’eau lors de l’industrialisation au XIXème siècle. Cependant, à cette époque et à cause de l’accroissement de la population dans les villes, l’unique moyen d’assainir les quartiers et d’éviter les épidémies était de confiner et d’éloigner au plus vite les pollutions. Le moyen le plus simple était donc de mettre en place un système « tout à l’égout » dans les réseaux hydrographiques naturels existant avant de les enterrer.

Le sujet principal du documentaire repose sur les actions des citoyens et des villes pour remettre à jour les cours d’eau afin de profiter de nouveau de leurs apports environnementaux, sociétaux ou encore économiques. A travers différents exemples, le téléspectateur peut ressentir les effets bénéfiques apportés par la réouverture d’un tronçon de cours d’eau. Au niveau environnemental, cela permet la création de nouveaux écosystèmes ainsi qu’une amélioration des conditions de vie aux alentours. Au niveau sociétal, il s’agit de créer des espaces naturels pour les citadins et de redynamiser des quartiers. Enfin au niveau économique, la réouverture de cours d’eau et de sa zone d’expansion associée peut améliorer la résistance et la résilience aux inondations en apportant un soutien dans la gestion des eaux pluviales  (AERMC).

Mais le documentaire apporte aussi des nuances et aborde les répercussions négatives que peuvent avoir de tels ouvrages. Il propose par exemple le point de vue d’un commerçant de Yonkers très affecté par les travaux de réhabilitation de la rivière. Cependant il s’agit pour là d’une nuisance éphémère et, une fois les travaux terminés, il pourra reprendre son activité voire même augmenter ses ventes grâce au regain d’attractivité du quartier. A Séoul, la destruction de l’autoroute a entrainé la relocalisation des vendeurs, déplacés en périphérie de la ville, dans un processus classique de gentrification.

A Toronto, le projet par les deux architectes a été refusé malgré le fait qu’il coûte « une fraction du prix de construction des égouts ». Cependant les raisons du refus de suivre les plans des architectes ne sont pas énoncées. La mairie avait donc, dans une fuite en avant, choisi d’agrandir le réseau d’égouts. De nos jours toutefois, 85 zones humides et sèches faisant office de bassin de rétention des eaux de pluies ont été développées dans la ville  (Toronto, 2017).

La discussion à propos des bassins de rétention naturels rappelle un sujet similaire, non traité dans le documentaire. En effet, depuis quelques années en Chine, pour pallier les risques importants liés au climat dans les villes à croissance démesurée, les scientifiques et les politiciens ont décidé de lancer le concept de « ville-éponge ». La méthode consiste à remplacer au maximum le béton conventionnel par des bétons de type poreux permettant de filtrer et stocker une partie des précipitations. L’autre partie de l’eau excédentaire peut être redirigée vers les nombreux espaces naturels disséminés dans toute la ville. Depuis l’annonce des 16 villes pilotes en 2015, les projets de « ville-éponge » ont doublé en un an (14 en plus en 2016) (Novae, 2018;  Yuanchao Xu, 2016).

Le documentaire reste vague sur une autre problématique essentielle. Durant des décennies, de nombreux utilisateurs ont raccordé, légalement ou non, leurs eaux usées au réseau de drainage des eaux de pluies. Lors de l’exhumation des cours d’eau, ces derniers se révèlent souvent pollués par les eaux usées. La mise à nu des cours d’eau enfouis permet la détection de ces sources de contamination et donc, potentiellement, de réduire leur impact soit en séparant les écoulements d’eaux usées du système hydrographique naturel, soit en trouvant des solutions de traitements de ces pollutions.

De nos jours, de plus en plus d’aires urbaines dans le monde choisissent de remettre à jour une partie de leurs réseaux hydrographiques, à l’instar des « ville-éponge » chinoises et de leurs nombreuses innovations. Le concept se diffuse et de nouvelles villes d’Europe et d’Amérique du Nord choisissent de tester cette méthode, comme la ville de Guelph au Canada (Zhang, 2017).

En termes de technique de réalisation, le documentaire propose de très belles images, même en souterrain, et le montage est pertinent sans trop de longueurs. C’est un documentaire qui permet aux gens de prendre conscience de la présence de cours d’eau souterrains dans leurs villes, la plupart d’entre nous ayant oublié que des cours d’eau passent sous nos pieds. C’est un bon documentaire pour le grand public qui n'apporte toutefois que peu d’éléments techniques ou scientifiques plus approfondis.

Bibliographie, pour aller plus loin :

AERMC. [s d]. La remise à ciel ouvert d’un court d’eau.

Collette P. 2019. Les Spadois redécouvrent le Wayai, une rivière enfouie depuis le 19ème siècle. Dans : RTBF Info [En ligne]. Disponible sur : https://www.rtbf.be/info/regions/liege/detail_les-spadois-redecouvrent-le-wayai-une-riviere-enfouie-depuis-le-19eme-siecle?id=10216933 (Consulté le 29 novembre 2019).

Corniou M. 2017. Retrouver nos rivières cachées. Dans : Québec Science [En ligne]. Disponible sur : https://www.quebecscience.qc.ca/environnement/retrouver-nos-rivieres-cachees/ (Consulté le 29 novembre 2019).

Novae. 2018. Les « villes éponges », la nouvelle façon de penser nos milieux urbains. Dans : Novae [En ligne]. Disponible sur : https://novae.ca/2018/03/les-villes-eponges-nouvelle-facon-de-penser-nos-milieux-urbains/ (Consulté le 29 novembre 2019).

Toronto. 2017. Stormwater Ponds. Dans : City of Toronto [En ligne]. Disponible sur : https://www.toronto.ca/services-payments/water-environment/managing-rain-melted-snow/what-the-city-is-doing-stormwater-management-projects/other-stormwater-management-projects/stormwater-ponds/ (Consulté le 29 novembre 2019).

Yuanchao Xu. 2016. Sponge Cities: An Answer To Floods. Dans : China Water Risk [En ligne]. Disponible sur : http://www.chinawaterrisk.org/resources/analysis-reviews/sponge-cities-an-answer-to-floods/ (Consulté le 29 novembre 2019).

Zhang J. 2017. Assessing the Application of Sponge City to Downtown Guelph. University of Guelph. https://atrium.lib.uoguelph.ca/xmlui/bitstream/handle/10214/10423/Zhang_Junyi_201705_Mla.pdf?sequence=1&isAllowed=y

Contributions de Hugo Saint Léger et Lucas Manza

 

Additional Info

  • Director: Katarina Soukup, Caroline Bâcle
  • Producer: Katarina Soukup, Caroline Bâcle
  • Language: French
  • Subtitles: French
  • Year: 2012
  • Duration (min): 72
  • Theme: Water supply, Water quality, pollution, Water and health, Flood, Rivers
  • Access: Free
  • Country: Global
  • Technical quality (star): Technical quality (star)
  • Academic interest (star): Academic interest (star)
  • Societal interest (star): Societal interest (star)
  • Technical quality: 4
  • Academic quality: 2
  • Social interest: 4