Afrique du Sud : Le Cap à sec

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Synopsis/contenu du film

Le documentaire porte sur la ville du Cap en Afrique du Sud. Cette ville abrite 4 millions de personnes et connaît depuis les 3 dernières années une sécheresse inédite. Ce film présente les causes et surtout les conséquences du manque d’eau dans la ville. Il met particulièrement en évidence à quel point ce manque d’eau contribue à amplifier les inégalités sociales entre les citoyens raccordés au service d’eau potable. En effet, les usagers les plus aisés sont plus en capacité de pallier ce manque d’eau en recourant à des solutions individuelles, par exemple en achetant de l’eau en bouteille ou en construisant des forages dans leur jardin. Au contraire, dans certains quartiers pauvres presque complètement privés d’eau, l’absence d’eau pour la toilette provoque d’importants problèmes sanitaires.

Le documentaire montre également à quel point de nombreux secteurs économiques sont impactés. Face à cette sécheresse sans précédent, le secteur de l’agriculture qui représente de nombreux emplois dans la province du Cap occidental ne parvient plus à être rentable. De nombreux agriculteurs au bord de la banqueroute ont dû s’en remettre à l’aide humanitaire, et aux dons d’une association non gouvernementale Gift of the Givers.

Ce qu’a redouté pendant de longs mois la municipalité était l’approche d’un jour 0 (Day zero) qui correspond au jour où le niveau de l’eau dans les barrages serait tellement bas qu’elle devrait couper l’arrivée d’eau dans les canalisations de la ville et rationner la distribution d’eau sur différents sites publics, entraînant une logistique très compliquée sinon presque impossible à mettre en place pour la municipalité. Afin d’éviter un scenario aussi dramatique, de nombreuses mesures ont été prises. Une restriction drastique de la consommation individuelle en eau ne devant pas dépasser les 50 l/jour/habitant a été mise en place et dans le même temps, le prix de l’eau a été augmenté avec la mise en place d’une nouvelle taxe afin de dissuader au maximum la sur-consommation. Parallèlement à la limitation de la consommation, des mesures ont été prises pour tenter de trouver de nouvelles sources d’eau avec des projets d’usines de désalinisation et d’usines de réutilisation des eaux usées. Ces solutions sont elles-mêmes loin d’être satisfaisantes, étant donné leur coût prohibitif concernant la désalinisation notamment. Ce sont en fait des projets votés dans l’urgence de la situation et qui posent à terme le problème d’une augmentation du prix de l’eau, amplifiant les inégalités socio-économiques.

Enfin, le documentaire met en lumière à quel point la sécheresse a amplifié l’important problème de gouvernance de l’eau. Alors que les risques étaient connus, aucune action préventive n’a été entreprise par le gouvernement. De plus, des prises de décision ont été retardées et de l’argent initialement prévu pour la gestion de l’eau aurait été détourné dans les caisses de l’Etat à l’issu d’une forte rivalité entre les partis politiques. La ville du Cap n’ayant plus les moyens de financer les projets pour faire face à la crise de l’eau se retrouve dans l’obligation de faire payer les citoyens.

Analyse critique

Le point fort de ce documentaire est de donner à voir les différentes facettes d’une crise de l’eau qui est loin de se résumer à une « crise climatique », mais qui est en fait la crise « de tout un système » : autrement dit une crise qui ne serait pas uniquement imputable à des épisodes de sécheresse sans précédent dans la région mais une crise qui serait également due à de graves manquements au niveau de la gouvernance de l’eau. En effet, les témoignages des différents experts ou acteurs politiques interviewés au niveau des administrations centrales de l’Etat, de la province ou de la municipalité se rejoignent sur certains constats : l’impréparation des différents acteurs de la gestion de l’eau face à cette sécheresse d’une ampleur inédite et la mauvaise coordination entre les politiques locales et nationales, entre gestionnaires de la ressource en eau et gestionnaires du service d’approvisionnement en eau potable dans les villes.

Le documentaire évoque ainsi un manque de réactivité du gouvernement national pour prendre des mesures alors même que les acteurs politiques locaux avaient témoigné, assez tôt, de leurs inquiétudes face à la baisse du niveau de l’eau dans les barrages dont dépend la ville du Cap. Pour l’expliquer, le documentaire aborde la question des jeux politiciens entre gouvernement provincial et gouvernement national mais aussi le sujet des détournements présumés d’argent public par le gouvernement national qui expliquerait le manque de réactivité et d’anticipation notamment dans la recherche de sources alternatives pour l’approvisionnement en eau. Le film critique aussi les choix très risqués en termes d’approvisionnement en eau reposant principalement sur les eaux de surface alors que la région du Cap est soumise à une importante pression démographique depuis 20 ans et que l’agriculture, très consommatrice d’eau, dans la province continue à s’étendre. Une diversification de la ressource aurait dû être explorée avant la pénurie d’eau.

Par ailleurs, le documentaire nous invite à nous interroger sur l’équité des mesures préconisées par la municipalité pour faire face à la crise. Alors que les composantes les plus pauvres représentent 50% de la population totale, elles ne consomment que 4% de l’eau de la ville. Le documentaire suggère de faire de la tranche la plus aisée de la population la première cible des restrictions mises en place par le gouvernement, dans la mesure où de par son mode de vie, habitant souvent dans des villas avec piscine par exemple, elle a tendance à sur-consommer. Ainsi la restriction indifférenciée de 50 l/jour/habitant ne semble pas être adaptée et représente un vecteur d’inégalité supplémentaire qui accentue les inégalités pré-existantes héritées de l’Apartheid. Les discours alarmistes de la ville du Cap sur l’imminence d’un « Day Zero » ont également encouragé une partie de la population la plus aisée à recourir à des solutions individuelles, notamment à forer des puits sur leur propriété pour devenir indépendants du réseau d’eau de la ville, ce qui à terme pourrait menacer l’équilibre du modèle économique de production de l’eau pour la ville. Les conséquences environnementales de ces nouveaux captages en eaux souterraines sont également encore largement méconnues.    

Seul bémol, on pourra reprocher au documentaire d’avoir voulu brasser très large, en essayant de couvrir toutes les dimensions d’un problème extrêmement complexe. Sans avoir la possibilité d’approfondir des points importants, le documentaire survole certains sujets et ne leur rend pas toujours justice (sur les compteurs d’eau pré-payés, le droit à l’eau, les moyens de lutter contre les inégalités, le soutien aux activités agricoles très consommatrices en eau etc).

Le documentaire est néanmoins excellent tant du point de vue de sa qualité technique/artistique, de sa pertinence académique et de son intérêt sociétal

Mots clés

Crise de l’eau, disparités, restrictions, politique, déclin économique, agriculture, corruption, jour 0, inégalité socio-économique, catastrophe naturelle, manque d’eau

Compléments

Enqvist and Ziervogel (2019) « Water governance and justice in Cape Town: An overview”, WIREs Water https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/wat2.1354  

CapeTownmagazine.com; Wet Weekend Puts A Spring In Cape Town’s Step; 28 Oct.2019; https://www.capetownmagazine.com/water

IOL ; City of Cape Town dams are 83,6% full, but provincial levels stable at 66,2%; 11Nov.2019; https://www.iol.co.za/capeargus/news/city-of-cape-town-dams-are-836-full-but-provincial-levels-stable-at-662-37029162

Theguardian.com; Day Zero How cape town is running out of water

www.theguardian.com/cities/ng-interactive/2018/feb/03/day-zero-how-cape-town-running-out-water

https://doi-org.ezpum.biu-montpellier.fr/10.1016/S2542-5196(18)30032-9

https://link-springer-com.ezpum.biu-montpellier.fr/article/10.1007%2Fs10040-018-1893-0

Contributions de Chloé Vivier et Erwan Macé

 

Additional Info

  • Director: Dorothe Dörholt & Antje Christ
  • Producer: ARTE
  • Language: French
  • Year: 2019
  • Duration (min): 52
  • Theme: Water supply, Water scarcity, Dams, Water allocation, Water politics, Water and community
  • Access: Free
  • Country: South Africa
  • Technical quality (star): Technical quality (star)
  • Academic interest (star): Academic interest (star)
  • Societal interest (star): Societal interest (star)
  • Technical quality: 4
  • Academic quality: 3
  • Social interest: 5