L'or bleu du Liban

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Synopsis

Ce film est un documentaire de 30 minutes produit par un groupe d’étudiants de Science Po Lyon, qui porte sur les problèmes de la gestion de l’eau au Liban. A travers des entretiens réalisés avec une dizaine d’académiciens, responsables administratifs, professionnels du développement, activistes et agriculteurs, il tente d’exposer, selon les points de vue de ces différents acteurs, les différentes raisons qui expliquent la médiocrité de l’accès à l’eau et la pollution des ressources hydriques libanaises, pourtant naturellement abondantes grâce au climat méditerranéen et la géographie montagneuse de ce petit pays du Moyen-Orient. Les entretiens, présentés par morceaux (la plupart des personnes apparaissent plusieurs fois), et plus ou moins regroupés selon les différentes thématiques abordées, s’articulent autour de plusieurs questions principales, notamment : la pertinence de parler d’une « crise de l’eau au Liban », la cohérence de la politique des grands barrages entreprise par le gouvernement libanais, la gravité de la surexploitation de l’eau souterraine et l’incapacité étatique à la contrôler, la nécessité de mettre en place une politique de « gestion de la demande » (demand management) notamment en réduisant le "gaspillage de l’eau" pas les agriculteurs, et enfin, les problèmes de la politique de l’assainissement. Quoiqu’en moindre mesure, le cadre institutionnel et légal de la gestion de l’eau est également abordé. Un texte préparé par les étudiants fait le lien entre les différents entretiens et donne des informations complémentaires sur la situation et l’usage des ressources en eau. Au fil de la narration se déroulent des séquences vidéo qui d’une part, mettent en valeur le potentiel hydraulique du Liban comme les impressionnantes cavités karstiques de la montagne libanaise et ses cimes enneigées, et de l’autre, illustrent la dégradation de ressources à travers l’assèchement et la pollution des cours d’eau et la précarité des services d’eau publics.

Analyse critique

Le documentaire fournit un bon aperçu des ressources hydriques et parcourt les grandes lignes des problèmes de l’eau du Liban. Il réussit à illustrer le potentiel hydrogéologique et la richesse de son eau souterraine par de belles prises, comme celle de l’impressionnant gouffre de Balou’ Bala’a (filmé par un Drone). La dégradation des ressources en eau est elle aussi bien mise en valeur, avec des images parlantes et des chiffres clés qui permettent de se rendre compte de l’insuffisance des services d’eau publics et de ses répercussions sur le quotidien des libanais. Le choix des personnes interviewées dénote un bon effort de recherche et de prise de contact avec acteurs et experts de l’eau au Liban, et d’une volonté de diversifier les points de vue et les sujets abordés. Ceci permet au documentaire de souligner des problématiques importantes du secteur de l’eau tout en mettant en scène des acteurs avec différentes positions, opinions et discours par rapport aux causes expliquant les problèmes de la gestion de l’eau a différents niveaux de gouvernance.

Cependant, on peut regretter l’insuffisance de l’approche dialectique du documentaire et l’absence d’une réflexion plus analytique autour des entretiens. Les grandes questions auxquelles il a l’ambition de répondre comme: "Pourquoi le Liban… peine-t-il à satisfaire les besoins de sa population ?" et "Qui supervise vraiment la gestion de l’eau?" (texte descriptif accompagnant la vidéo) restent sans réponses claires dans la mesure où il ne réussit pas à mettre l’accent sur les causes principales du disfonctionnement du secteur de l’eau, qui sont essentiellement de nature administratives et politiques. Si certains de ces aspects apparaissent effectivement dans les entretiens (la crise de l’eau "créée" par le gouvernement pour justifier la politique équipementière, les intérêts financiers et politiques qui expliquent la perpétuation de la politique souvent inadéquate des grands barrages ou des grandes stations de traitement centralisées), ils ne sont pas suffisamment mis en exergue. L’organisation des entretiens donne l’impression que ces éléments ont le même niveau d’importance (ou moins) que d’autres facteurs abordés comme l’afflux des réfugiés syriens qui, s’il a certes augmenté la pression sur les ressources, ne justifie en aucune façon la médiocrité des services d’eau publics libanais ; ou, le "gaspillage de l’eau par les agriculteurs", une question dont la trop grande récurrence dans les entretiens n’est pas anodine. De fait, la focalisation sur les "pratiques peu économes en eau" bien visible dans le film est révélatrice de la remarquable influence de l’approche techniciste sur la gestion de l’eau au Liban (et par laquelle les étudiants se laissent apparemment influencer). Cet argument permet d’une part aux agents administratifs de se dédouaner de l’échec des politiques publiques et, d’autre part, à la communauté du développement d’attirer les trop nombreux projets qui promeuvent les solutions technologiques comme solution aux problèmes de gestion de l’eau. Il est utile d’indiquer ici que "le pourcentage des agriculteurs utilisant les modes d’irrigation surfacique" cité par Dr. Fadi Comair est largement exagéré (les techniques sous pression (asperseurs et goutte à goutte) étant très répandues au Liban et utilisées partout où l’on utilise l’eau souterraine à savoir 80% des terres de la Bekaa, par exemple), et de rappeler que l’irrigation de surface n’est pas synonyme de "gaspillage d’eau" (ni de "mauvaise éducation des agriculteurs" qui, au contraire, ont un savoir-faire de longue date dans l’irrigation ) car les 'pertes' rejoignent les cours d’eau et s’infiltrent dans les aquifères.

Au lieu de s’attarder sur ce sujet, il aurait été plus intéressant d’approfondir les véritables problématiques de gouvernance comme le "retard de l’application de la réforme administrative du secteur de l’eau" et d’interroger les raisons pour lesquelles "les rôles administratifs ne sont pas bien définis", des questions abordées trop brièvement dans le documentaire. La faiblesse des administrations étatiques (tant en ressources humaines qu’en savoir-faire technique) n’est, par exemple pas du tout abordée, alors qu’elle explique en grande partie le manque de contrôle sur l’exploitation privée de l’eau souterraine. Enfin, si l’importance de la participation des citoyens à la gestion de l’eau procure une belle manière d’achever le film, celui-ci ne s’attarde pas suffisamment sur le fait qu’elle est fortement entravée par une centralisation des prises de décision aux mains de l’administration hydraulique libanaise qui, malgré les nombreuses mobilisations sociales récentes (contre les barrages), continue sa discutable politique équipementière.

En résumé, nous pouvons dire que le film touche à plusieurs problématiques importantes mais peine à réellement sortir des discours technicistes et à faire ressortir l’aspect politique, comme cela est annoncé en introduction. Ceci s’explique par le fait qu'il s’agit d’un exercice court, élaboré par des étudiants qui ne connaissent pas le Liban et probablement peu le secteur de l’eau. Il demeure néanmoins un bon recueil d’entretiens représentatifs des différentes idéologies que l’on rencontre autour de la gestion de l’eau, très utile, par exemple, pour être analysé en classe, dans le cadre d’un cours sur les aspects politiques de la gestion de l’eau au Liban.

Marie-Hélène Nassif

Liens

http://cmca-med.org/film/lor-bleu-du-liban/

www.sciencespo-lyon.fr/actualite/admission/or-bleu-du-liban-web-documentaire-processmediterranee

 

 

 

Additional Info

  • Director: Eléonore de Bonneval, Michael Babaz, Sanae el Archi, Mariam Chfiri, Florian Michel, Judite Ferreira, Safaa Richard et Théo Petrignet
  • Producer: (sans)
  • Language: French
  • Year: 2017
  • Duration (min): 35
  • Theme: Water supply, Dams, Environmental degradation, Irrigation & agricultural water management, Climate change, Water quality, pollution, Water governance
  • Access: Free
  • Country: Lebanon
  • Technical quality (star): Technical quality (star)
  • Academic interest (star): Academic interest (star)
  • Societal interest (star): Societal interest (star)
  • Technical quality: 4
  • Academic quality: 3
  • Social interest: 2.5