À sec - La grande soif des multinationales

damnation

Synopsis/contenu du film

Ce film traite des externalités négatives liées à l’usage de l’eau par les multinationales telles que Danone, Nestlé ou Coca-Cola. Ces entreprises pompent de l’eau potable à des fins économiques dans les villes de Vittel, Volvic et Lüneburg et surexploitent les ressources en eau. Les conséquences de ces pompages excessifs et de la production de bouteilles en plastique sont nombreuses. En conséquence, les conflits sociaux et économiques se développent dans ces différentes régions et les populations manifestent et s’opposent à la surexploitation de leurs nappes d’eau par ces entreprises.

Depuis plusieurs années, le débit des rivières autour de Volvic ne cesse de baisser car la multinationale Danone puise son eau pour vendre des centaines de millions de bouteilles « Volvic » chaque année. Ceci a déclenché un conflit social entre les agriculteurs soumis à des restrictions d’eau et la communauté de communes qui gèle les permis de construire pour économiser l’eau.

Dans un deuxième temps, le documentaire porte sur la surexploitation et les problèmes de pollution plastique de Nestlé à Vittel. L’alimentation en eau de la ville de Vittel est menacée mais, au lieu de réduire les prélèvements d’eau de la multinationale, la ville a pour projet d’acheminer de l’eau pour les habitants via un couteux pipeline. Des habitants s'opposent à cette idée et réclament une juste répartition de l’eau avec moins de prélèvements dans la nappe phréatique profonde. Parallèlement à ces problèmes, d’énormes décharges de plastiques enfouies sous terre ont été identifiées sur le terrain d’exploitation de Vittel.

Enfin, le documentaire aborde les conflits à Lüneburg où Coca-Cola a annoncé creuser un 3eme puits pour prélever plus d’eau dans la nappe. Une initiative citoyenne alertée par les expériences de Vittel et Volvic tente de s’y opposer.

Analyse critique

À l’heure où les ressources hydriques s’amenuisent en France et en Allemagne, ce documentaire tente de montrer que les multinationales de l’eau en bouteille ne veulent pas renoncer à une exploitation des nappes d’eau jugée abusive par les populations locales. Ce film fait intervenir différents acteurs ayant tous un rapport différent avec l’usage de l’eau. On peut retrouver des témoignages d’agriculteurs, une garde pêche, une avocate, des habitants… Ils ont tous une vision différente de l’utilisation de l’eau et sont globalement impactés et opposés à la surexploitation des nappes par les multinationales.

Le documentaire soulève le fait que l’eau est une ressource très disputée, un patrimoine commun de la nation dont l’utilisation tend à être privatisée en dépit des besoins des habitants. Quelles sont les conséquences de la priorité accordée aux acteurs privés? A Volvic, l’assèchement d’un bassin piscicole ou la diminution de la taille des pommes récoltées sont des exemples d’impact de la baisse des nappes d’eau sur les différentes activités économiques aux alentours de ces pompages. De manière ironique des permis de construire ont été annulés par la préfecture par manque d’eau alors que Danone peut augmenter ses prélèvements en été sans permission. A Vittel ce sont les ressources en eau potable de la ville qui sont à terme menacées; et la solution évoquée par les collectivités est de faire venir l’eau d’ailleurs en socialisant les couts tandis que Nestlé continuerait à engranger les bénéfices.

Les communes apparaissent comme démunies face à ces géants industriels qui apportent de nombreux emplois et aident au développement des communes. On voit les conflits d’intérêt à Vittel où la Commission Local de l’Eau est formée de citoyens qui ont tous un lien direct ou indirect avec Nestlé. Le pouvoir financier de Nestlé apparait également dans sa capacité à financer une image 'verte' à travers 120 millions investis dans la régénération des écosystèmes, ou des subventions à 'La vigie de l’eau' une association qui intervient dans le primaire pour une éducation de l’eau (vue comme du "Lobbying dans les milieux éducatifs" par les militants locaux).

L’état français est le grand absent du reportage même s'il apparait en creux à travers un laisser-faire problématique. A Volvic il délègue à Danone le droit de faire son autocontrôle sur les données qu’elle collecte elle-même et de pomper son eau sans restriction l’été, une situation jugée anormale par Corine Lepage qui dit avoir des difficultés à accéder à des données qui devraient être collectées par l’Etat. A Vittel, Nestlé reconnait que l’usine pompe depuis 30 ans dans la nappe profonde plus que la recharge, ce qui a provoqué une baisse continue de celle-ci. Là encore aucune régulation par l’Etat des usages compatible avec la ressource ne semble envisagée. A Lüneburg enfin, les services de l’Etat ne pourront pas s'opposer au 3ème puits creusé par Coca Cola en l’absence de données fiables sur les impacts probable de ce puits. Les habitants soulignent que les lois ne prennent pas en compte les changements récents dus au changement climatique. Les quelques règles régissant l’usage des eaux souterraines seraient obsolètes.

A part une mention de l’absurdité écologique consistant à mettre de l’eau en bouteille (de plastique) pour lui faire traverser le monde, le documentaire aurait pu souligner davantage la croissance néfaste d’un secteur qui produit près de 100 milliards de bouteilles plastique par an au niveau mondial, avec des externalités environnementales globales et massives. L’article « l’Atlas de l’eau » parut dans le Courrier International illustre bien l’augmentation croissante de la vente de bouteille avec comme exemple les Etats Unis où quatre grandes sociétés dominent le secteur. En France, le monopole appartient à Neptune, Nestlé Water et Danone qui concentrent 76% du marché. Peut-on confier, sans contrôle, la ressource la plus vitale à des entreprises privées ? Ne doit-on pas essayer de réduire cette production d’eau en bouteille pour ses effets à la fois locaux et globaux?

Finalement, le documentaire laisse le spectateur dans l’incertitude. Le manque de transparence de la part des grandes firmes n'est remis en cause que par des associations citoyennes, tandis que l’Etat semble largement absent. A Volvic c'est la justice qui doit statuer sur la responsabilité de Danone. Une commission d’enquête parlementaire s'est emparé du sujet de l’eau et ses visites de terrains, ainsi que l’audition d’une des responsables de Nestlé, sont reprises par le documentaire. Arrivera-t-elle à changer la gouvernance insatisfaisante qui est explicitée dans le film?

(avec des contributions de Dany Blanchet et Matteo Descours)

 

Autres documentaires sur l’eau en bouteille

https://www.water-alternatives.org/index.php/cwd/item/81-nestle

https://www.water-alternatives.org/index.php/cwd/item/102-rotten

 

Additional Info

  • Director: Robert Schmidt, Alexander Abdelilah et Jorg Daniel Hissen
  • Producer: ARTE
  • Language: French
  • Year: 2022
  • Duration (min): 52
  • Theme: Domestic water, Groundwater, Water governance, Sustainability, Water allocation
  • Access: Free
  • Country: Germany, France
  • Technical quality (star): Technical quality (star)
  • Academic interest (star): Academic interest (star)
  • Societal interest (star): Societal interest (star)
  • Technical quality: 4
  • Academic quality: 3.5
  • Social interest: 4